Rénovation: quand les travaux d’isolation profitent à la mérule

Gare aux travaux qui ne sont pas correctement effectués, une rénovation peut parfois faire plus de mal que de bien. Une propriétaire qui avait fait rénover sa maison par un professionnel vient d’obtenir plus de 120.000 euros de réparations devant la cour d’appel de Caen: l’isolation mal mise en œuvre a fait prospérer une mérule

Pour la propriétaire, pas de doute, l’entreprise chargée des travaux d’isolation et de menuiserie dix ans auparavant, a mal fait son travail. Le doublage sur les murs anciens de cette maison n’a pas correctement été mis en œuvre, l’artisan a “oublié” la lame d’air au mépris des règles de l’art. Résultat, la mérule a profité de l’humidité pour se répandre dans le logement. Un cas d’école.

Isolation sans lame d’air

Face à la justice, l’artisan se défend : qu’est-ce qu’il y peut si la maison est infestée par la mérule? Entre les défauts d’étanchéité dans les murs, les remontées capillaires provenant de la cave, le débordement du ballon d’eau chaude…, le champignon était dans la place avant qu’il intervienne. “Le champignon trouve son origine dans les nombreux désordres hydriques qui affectaient déjà l’immeuble avant les travaux”, selon lui. Tout au plus, ses travaux auront plus aggravé le phénomène.

Comme les premiers juges, la cour d’appel de Caen retient cependant l’entière responsabilité de l’artisan. Si la maison “était certes affectée d’une humidité excessive antérieurement à l’intervention de la société X, en revanche cette humidité n’a permis l’apparition du champignon qu’à partir du moment où l’artisan a réalisé des travaux non conformes aux règles de l’art, en l’occurrence l’application en divers endroits de la maison de matériaux isolants directement sur les supports muraux, sans espace d’air et sur des restes de papiers peints que l’artisan n’a pas pris soin d’enlever”.

Cuisine, séjour, chambre, inaccessibles

L’expert est catégorique, “cette façon de procéder n’est pas conforme aux règles de l’art” et aboutit à la “rencontre délétère entre l’humidité des lieux et la cellulose des papiers peints, le tout dans une ambiance de condensation excessive”. Nous sommes en Normandie, région fortement touchée par le champignon, les spores étaient à l’évidence déjà présents, les “travaux inadaptés” ont permis leur “germination”. Le champignon “à l’état de latence” n’attendait que des conditions propices pour se “réveiller”.

De toute façon, si la mérule était réellement présente avant les travaux, ce professionnel du bâtiment n’avait qu’à le dire. “Si la mérule s’était déjà manifestée dans la maison avant l’intervention de l’artisan, celui-ci n’aurait pas manqué de le signaler (…), voire aurait refusé d’intervenir tant que le maître d’ouvrage n’aurait pas réalisé les travaux nécessaires pour l’éradiquer.”

La cour d’appel estime que la garantie décennale de l’entrepreneur est engagée puisque l’ouvrage est impropre à sa destination d’habitation. Car selon l’expert toujours, la mérule a rendu la maison “inhabitable”. “Les spores de mérule sont susceptibles de provoquer des irritations pulmonaires chez les personnes sensibles, ce qui rend inaccessibles nombre de pièces de vie: cuisine, séjour, chambre, etc.”.

Et comme souvent en matière de mérule, l’addition est plutôt salée. La cour d’appel de Caen confirme la condamnation prononcée en première instance, l’artisan devra verser près de 130.000 euros entre les frais d’éradication de la mérule (28.500 euros), la remise en état de la maison dégradée par le champignon (81.500 euros) et le trouble de jouissance (16.300 euros).

Cour d’appel de Caen, 6 décembre 2022, n° 21-00446.

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