Grosse erreur, énorme erreur. La surface réelle représente moins de la moitié de celle indiquée dans l’acte de vente. Un seul lot a été vendu, mais deux lots réunis ont été mesurés. Le notaire a commis une faute en ne procédant pas à suffisamment de vérifications, mais en même temps une telle différence de surface ne pouvait échapper à personne.
L’acte de vente mentionne 174 m² pour la superficie de cette cellule commerciale dans un immeuble en copropriété des Ardennes. En réalité, elle n’est que de 73,46 m². Sacrée différence. L’explication est simple, un seul lot a été vendu, mais deux lots réunis et loués par la même agence bancaire ont été pris en considération dans la surface.
En première instance, le tribunal retient que l’acquéreur ne pouvait ignorer la surface réelle renseignée dans plusieurs documents transmis au moment de la transaction en 2017. Même si le notaire devait effectuer des vérifications pour lever cette incohérence de surface, le premier juge estime que l’acquéreur qui avait connaissance de la contradiction de valeur ne pouvait soutenir avoir été trompé sur ce point.
Devant la cour d’appel, l’acquéreur explique qu’il pensait “acquérir l’intégralité de la cellule et non une portion de celle-ci et qu’il a ainsi pris en compte dans la superficie du bien acquis, le local mitoyen”. Selon lui, rien ne lui permettait de vérifier concrètement la superficie précise du local loué à titre commercial par une agence bancaire. L’acquéreur réclame donc plus de 350.000 euros au titre de la perte de chance de percevoir les loyers pour la surface non possédée, et 26.000 euros également au titre de la perte de chance de revendre au même prix. Au total près de 400.000 euros pour un local acheté… 46.000 euros.
Impossible d’effectuer le mesurage Carrez
En face, le notaire rejette toute faute. L’acquéreur avait “parfaite connaissance de la contenance du local au regard de l’ensemble des documents qui lui avaient été transmis”. Sans compter qu’il a effectué plusieurs visites des lieux, et qu’il n’avait absolument rien d’un profane en la matière puisqu’il était directeur d’une agence immobilière. Alors, d’où vient cette mention erronée de 174 m² ? Le notaire explique s’être référé à la surface thermique du DPE. Pas d’autre choix, puisqu’il n’était pas possible d’effectuer un mesurage Carrez, l’agence bancaire refusant au diagnostiqueur d’accéder à des locaux sensibles, comme la salle des coffres ou le distributeur automatique.
La faute du notaire est donc retenue. “Me X ne peut exciper d’une absence de faute de sa part au motif que la mention d’une superficie erronée dans l’acte de vente n’a pu induire l’acquéreur en erreur”. Les deux lots ayant été réunis par le locataire ont pu induire en erreur l’acquéreur lors de la visite des lieux. Aux yeux de la justice, la responsabilité du notaire est engagée puisqu’il ne s’est pas livré à des vérifications supplémentaires: “l’impossibilité pour le métreur chargé d’établir le certificat loi Carrez d’accéder à certaines pièces aurait également dû le convaincre de la nécessité de procéder à des vérifications qui étaient manifestement nécessaires pour assurer l’efficacité de l’acte qu’il devait recevoir”.
Le notaire a commis une faute dans la rédaction de l’acte de vente, mais la cour d’appel estime que le préjudice est très limité. Rien ne dit que l’acheteur ait acquis le bien à un prix excessif pour sa surface ou qu’il y ait une perte de chance de percevoir des loyers pour la surface complémentaire. L’acquéreur devra donc se contenter de 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
Cour d’appel de Reims, 17 janvier 2023, n°22-00026.
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