Sur les trois échantillons de sol transmis au laboratoire, un seul était positif à l’amiante. Le diagnostiqueur aurait dû pousser ses investigations, refaire d’autres sondages et prélèvements, il ne l’a pas fait, sa responsabilité est donc engagée. Mais dans un contexte de travaux, cela ne signifie pas qu’il doive payer le surcoût de désamiantage.
La présence d’amiante dans un bâtiment n’est pas toujours homogène. Dans ce repérage avant-démolition réalisé en 2017, l’opérateur a mentionné de l’amiante en divers endroits : dans les gaines de ventilation, dans les poteaux de coffrages, « ainsi que sur la dalle de sol et la colle du plancher d’une zone de transfert au premier étage ». Malheureusement, le diagnostic n’est pas exhaustif. Au moment d’effectuer des travaux, l’amiante sera aussi découvert dans d’autres revêtements de sol et d’autres colles à d’autres endroits du bâtiment. Résultats des courses, le chantier est arrêté, et la facture de désamiantage n’est plus du tout la même.
Obligation de moyens renforcée
Le diagnostiqueur estime pourtant n’avoir commis de faute. Il a réalisé trois prélèvements de sol à des endroits différents: deux analyses, dans une salle de réunion au rez-de-chaussée, et dans une chambre au premier étage concluaient à l’absence d’amiante. Confronté à un résultat discordant, « il appartenait dès lors au maître d’œuvre, au maître d’ouvrage et à l’entreprise de désamiantage de prendre leurs responsabilités quant aux précautions à prendre pour la réalisation des travaux de démolition. » Pour le diagnostiqueur et son assureur, les règles de l’art prescrites dans la norme NF X 46-020 ont donc été respectées, le diagnostiqueur n’est pas tenu à une obligation de résultats, juste une obligation de moyens.
En première instance, le tribunal de Bar-le-Duc a toutefois rappelé que le diagnostiqueur était tenu à « une obligation de moyens renforcée ». La norme se borne à indiquer « un nombre prévisionnel de sondages » qui doit être regardé comme « un minimum ». « En cas de constats hétérogènes, il appartient à l’opérateur de déterminer le nombre supplémentaire de sondages à effectuer pour déterminer la limite des zones de repérages concernées. »
« Dès lors, en présence de sols de même nature que ceux où elle a découvert de l’amiante, (la société de diagnostic) devait les désigner comme susceptibles d’en contenir également. Et en présence de sols de natures différentes de ceux où l’amiante avait été découvert, elle devait procéder à des investigations supplémentaires », poursuit la cour d’appel.
Le rapport est donc incomplet, la responsabilité de l’opérateur est engagée. Peu importe que le bâtiment ait été occupé par des enfants au moment de sa venue, comme le prétend le diagnostiqueur, son rapport ne dit rien sur le sujet. De toute manière, « il lui incombait de demander la libération des lieux si l’exécution de ses obligations contractuelles l’exigeait ».
Le désamiantage supplémentaire pour le propriétaire
Reste à déterminer le préjudice. Le tribunal de Bar-le-Duc avait octroyé près de 200.000 euros au propriétaire, somme correspondant « aux travaux consécutifs à la découverte d’amiante non détecté initialement par le diagnostiqueur ». Le propriétaire prétendait en effet à l’indemnisation intégrale de son préjudice par analogie avec ce qui est pratiqué dans le cadre des litiges avant vente.
La cour d’appel a adopté une autre position. Car le contexte est totalement différent d’une vente. « Dans un diagnostic avant travaux, le maître de l’ouvrage était et demeure propriétaire de son bien et la valeur de celui-ci est indifférente. Dès lors qu’il envisage de réaliser des travaux, il doit en tout état de cause supporter l’intégralité du coût du désamiantage. » Autrement dit, même si le diagnostiqueur avait signalé l’amiante dans tous les sols, le donneur d’ordre aurait dû payer pour le retirer. « Si d’autres conséquences de l’erreur du diagnostiqueur, comme par exemple le retard pris dans les travaux à cause de la découverte tardive d’amiante, présentent un lien de causalité direct avec ce manquement, il n’en va pas de même du surcoût du désamiantage qui doit de ce fait rester à la charge du propriétaire. »
Le propriétaire allègue d’un retard de deux mois dans le chantier et des répercussions directes sur son activité, mais sans toutefois le justifier par des pièces. Du coup, puisque le préjudice n’est pas démontré, le diagnostiqueur échappe à toute condamnation.
Cour d’appel de Nancy, 27 mars 2023, n° 22-00275.
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