Amiante : une nouvelle génération de victimes

25 ans après son interdiction, on est loin d’en avoir fini avec l’amiante. Selon les chiffres officiels, le nombre total de maladies reconnues et indemnisées connaît une baisse régulière depuis plusieurs années. Doit-on en conclure que le pic est derrière nous ? Du côté de l’Andeva (Association nationale des victimes de l’amiante), on évoque une réalité plus complexe, car dans le même temps, la part des cancers liés à l’amiante a fortement augmenté. En fait, on voit émerger une nouvelle génération de victimes de l’amiante avec des profils qui évoluent depuis dix ans.

Moins de maladies indemnisées, mais une proportion bien plus importante de maladies graves. En l’espace de dix ans (de 2009 à 2019), le nombre de nouveaux dossiers de victimes traités par le Fiva (Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante) s’est effondré, divisé quasiment par deux (6 645 vs 3 724). Même tendance du côté des maladies professionnelles reconnues par la Sécurité sociale. Gare aux chiffres, car sur la même période, la proportion de pathologies graves a aussi augmenté.

 “Il y a dix ans, les maladies bénignes (plaques pleurales et épaississements pleuraux) représentaient les deux tiers des nouveaux dossiers Fiva, remarque Alain Bobbio, secrétaire général de l’Andeva. Elles représentent aujourd’hui moins de 40% du total. Par contre, les cancers de l’amiante (mésothéliome et cancer broncho-pulmonaire) qui touchaient moins du quart des victimes il y a dix ans, sont devenus majoritaires en 2019. Une nouvelle victime sur deux se voit attribuer le taux d’incapacité maximum (100%) par le Fiva: c’était moins d’une sur quatre il y a dix ans.”

Le mésothéliome, plus forte progression

Parmi les cancers de l’amiante indemnisés, c’est la pathologie la plus grave, le mésothéliome, qui progresse le plus vite, en pourcentage comme en valeur absolue. Entre 2010 et 2019, le nombre de nouveaux cas indemnisés par le Fiva est passé de 448 à 577 (+ 29%), alors que le nombre total de maladies liées à l’amiante baissait. “La dynamique actuelle d’évolution de ce cancer de la plèvre, maladie spécifique de l’amiante, de sombre pronostic, est inquiétante. Elle est beaucoup plus forte que celle du cancer bronchopulmonaire.”

Les dossiers traités par le Fiva ne sont pourtant que la partie émergée de l’iceberg. “Nous sommes confrontés à un gros problème de non-recours au Fiva : beaucoup de victimes et d’ayants droit ne demandent pas l’indemnisation à laquelle ils peuvent légitimement prétendre. Résultat : des familles sont plongées dans des difficultés financières majeures qui s’ajoutent aux souffrances de la maladie et du deuil.” Or ces difficultés pourraient être évitées… “Ce non-recours est un phénomène massif, poursuit Alain Bobbio. Selon Santé Publique France, il y a 1.100 nouveaux cas de mésothéliomes par an. Or le Fiva n’a indemnisé que 577 nouvelles victimes de cette maladie en 2019. Une sur deux n’apparaît donc pas sur les écrans radars de l’indemnisation ! Cette invisibilité sociale est inacceptable, a fortiori pour une maladie que le corps médical a obligation de déclarer aux Agences régionales de santé.”

Le profil des victimes évolue

Davantage de maladies graves, mais aussi des expositions plus diverses. On peut être malade de l’amiante sans avoir travaillé au contact direct avec le matériau, comme ce fut le cas des ouvriers des usines de fibrociment ou du BTP. “Les origines professionnelles sont beaucoup plus diversifiées qu’il y a 10 ou 20 ans. Il y a parmi nos adhérents des enseignants qui ont exercé dans un établissement truffé d’amiante, des personnels administratifs qui ont fait leur carrière sous des faux plafonds amiantés, des épouses contaminées en lavant les bleus de leur mari…”

Chez les victimes d’un mésothéliome indemnisées par le Fiva, “l’âge moyen au moment du diagnostic était de 69 ans en 2010. Il est passé à plus de 74 ans en 2019. Cet allongement confirme qu’une maladie mortelle peut résulter d’une exposition habituellement qualifiée de “faible” ou “intermédiaire”, avec un temps de latence plus long entre l’inhalation des fibres et la survenue de la maladie.

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