Un “bouclier énergie” pour enrayer l’inéluctable montée de la précarité énergétique

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Statu quo. Depuis dix ans, la précarité énergétique n’a pas bougé. Peu ou prou, on compte toujours douze millions de personnes pour lesquelles le chauffage pèse trop lourd dans le budget. Mais la subite flambée des tarifs du gaz et de l’électricité menace ce statu quo. L’initiative Rénovons! réclame un “bouclier énergétique” pour éviter que la précarité énergétique ne s’envole à son tour.

L’augmentation est violente. “Le prix de marché de l’électricité était au 19 janvier 2020 de 74 euros/MWh, au 19 janvier 2022 il est de 282 euros/MWh”, note l’initiative Rénovons!, collectif d’organisations telles que la Fondation Abbé Pierre, Soliha, le Cler, etc. toute militantes pour la rénovation énergétique. Et cette hausse s’est encore accélérée depuis l’été 2021.

Sept Français sur dix constatent aujourd’hui une augmentation de leurs factures au cours des six derniers mois si l’on en croit la récente enquête d’Effy. A tel point que plus d’un Français sur deux craint de ne plus pouvoir payer ses factures.

Bombe à retardement

Bien sûr, dans sa loi de finances 2022, le gouvernement a limité la hausse à 4% pour les tarifs de vente d’électricité alors que sans intervention de sa part, l’augmentation culminait à 35%. Ce bouclier tarifaire qui met à contribution EDF demeure insuffisant pour Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative Rénovons! “Nous ne voulons pas mettre la poussière sous le tapis, et éviter que le problème ne se repose dans un an. Selon les communications de la CRE (Commissions de régulation de l’énergie), la hausse a été contenue, mais il faut s’attendre à un rattrapage début 2023.” Une fois la campagne électorale derrière nous…

“Les mesures prises par le gouvernement vont permettre de lisser sur un plus long terme l’augmentation des factures d’énergie des français, mais cette “différence” sera payée. Le montant de cette différence atteint en quatre mois seulement 16 milliards d’euros, sans assurance que ce ce chiffre ne continue pas d’augmenter dans les mois qui viennent.” Seize milliards d’euros… L’équivalent de trois années d’aides publiques consacrées à la rénovation.

Mécaniquement, c’est la précarité énergétique qui risque de s’envoler avec la flambée des tarifs de l’énergie. Autrement dit, davantage de ménages devront consacrer plus de 8% de leur budget à payer les factures énergétiques du logement. L’inquiétude est d’autant plus forte qu’elle se conjugue à une évolution des usages tels que le télétravail qui amène les Français à passer davantage de temps chez soi. Et ce n’est sans doute pas les 100 euros du chèque énergie distribué à quelque 5,8 millions de ménages qui va régler le problème.

Double protection

Pour enrayer l’inéluctable montée de la précarité énergétique, Rénovons! propose de déployer “un boucler énergie” avec une double protection. “Dans l’urgence, il s’agit de permettre un chèque énergie de 700 euros pour les 3,5 millions de ménages les plus en difficultés”, explique Danyel Dubreuil. “En 2021, ce sont plus de 1,1 milliard d’euros qui ont été, via les chèques énergies, consacrés à l’aide au paiement des factures pour les ménages en précarité énergétique. D’une moyenne de 150 euros, ils restent insuffisants toutefois pour permettre à ces ménages d’atteindre un niveau de chauffage suffisant ou de sortir durablement de la précarité énergétique.”

Payer les factures dans l’urgence ne suffira pas. Rénovons! propose donc un deuxième niveau de protection avec des mesures sur le long terme permettant de rénover les logements jusqu’à un niveau de consommation très bas. En ligne de mire, les passoires énergétiques évidemment sources de précarité. “La moitié des passoires énergétiques sont aujourd’hui occupées par des ménages en situation de précarité énergétique”, note Danyel Dubreuil.

Le bouclier de Rénovons! suggère de massifier les rénovations globales visant un niveau BBC en favorisant l’accompagnement des propriétaires et en dopant les aides, quitte à prendre en charge 100 % du coût des travaux quand c’est nécessaire. “Les travaux d’efficacité énergétique menés dans les passoires ne sont pas à la hauteur des ambitions, aujourd’hui. On estime que seulement 50.000 rénovations globales, chaque année sont satisfaisantes.” Bien trop peu. Tiers financeur, aides massives, accompagnement public ou privé, les propositions de Rénovons!, ne sont pas nouvelles en soi, et elles ont d’ailleurs souvent été amorcées déjà par les pouvoirs publics. Mais avec la flambée des tarifs de l’énergie, l’Alliance invite à accélérer leur déploiement. Urgemment. Sous peine de voir la précarité énergétique prospérer au cours des prochaines années.