En service depuis début juillet, le nouveau dispositif de certification du DPE se heurte à de solides écueils. Avec des exigences revues à la hausse et un régime de sanctions durci, la nouvelle certification pèse plus lourdement sur les diagnostiqueurs. L’entrée à la profession apparaît plus compliquée avec des taux d’échec records aux examens, et les coûts de la nouvelle certification pourraient décourager certains diagnostiqueurs en exercice.
C’était après un énième article au vitriol de 60 Millions de consommateurs. En réponse, le ministère annonçait fin 2022 un plan d’actions pour fiabiliser (encore et toujours) le DPE. A la clé, une harmonisation des pratiques et surtout le renforcement des compétences via une nouvelle réforme de la certification DPE. La professionnalisation coûte que coûte.
L’intention était sans doute légitime face aux enjeux aujourd’hui liés au DPE, mais la mise en pratique apparaît plus chaotique. La réforme est devenue effective au 1er juillet 2024. Sans entrer dans le détail d’un arrêté hyper technique, elle se matérialise par davantage de formation initiale, des examens au niveau rehaussé, plus de contrôles et aussi vraisemblablement plus de sanctions à venir.
Taux d’échec record
Les premiers retours n’ont pas traîné. Dès la fin de l’été, les organismes de certification alertaient sur des taux d’échec catastrophiques aux examens théoriques, passage obligé pour tous les aspirants diagnostiqueurs. Huit à neuf candidats sur dix recalés en moyenne, une véritable hécatombe. Le message est passé, le ministère a concédé quelques aménagements à la marge (comme le nombre de bonnes réponses désormais précisé dans le QCM), la situation s’est un peu améliorée.
Pas suffisamment toutefois aux yeux de la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim. Par la voie d’un communiqué de presse, elle appelle le ministère à rapidement corriger le tir. « Le questionnaire de la DHUP (Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages) présente des incohérences notables dans la formulation des questions. Le vocabulaire utilisé manque d’homogénéité, entraînant ainsi une confusion chez les candidats et affectant directement leurs performances lors des épreuves. Ces disparités contribuent à un taux élevé d’échec au QCM, un problème qui doit être rapidement adressé pour garantir une évaluation équitable des candidats. »
Car ces taux d’échec risquent d’avoir des effets désastreux s’ils perduraient dans le temps. Qui aura envie d’investir et de se lancer dans ce métier avec 90% de chances d’échouer à l’examen d’entrée ? La filière du diagnostic peine déjà à recruter et a déjà tant de mal à séduire de nouveaux candidats. Comme d’autres métiers, elle est aussi confrontée au problème de renouvellement de ses générations, avec nombre de pionniers du diagnostic arrivés au terme de leur carrière.
Impitoyable barème
Trois mois après sa mise en orbite, le dispositif a sans doute besoin de se roder, et les curseurs d’être ajustés. Non seulement le flot de nouveaux entrants dans la profession risque de se tarir, mais cette nouvelle certification musclée pourrait aussi décourager nombre de diagnostiqueurs en exercice déjà confrontés à des difficultés économiques dans un marché immobilier atone.
Car le nouveau dispositif de certification ne s’adresse pas seulement aux nouveaux entrants, il embarque aussi depuis juillet les diagnostiqueurs en exercice, désormais surveillés de très près avec des contrôles quasi annuels. Tantôt des contrôles de leurs rapports, tantôt des contrôles sur site (pas moins de trois au cours des sept ans de certification). Autant de contrôles qu’ils doivent bien entendu payer et qu’ils doivent aussi passer avec succès.
Si ces contrôles n’ont rien de nouveau, le nouveau dispositif en vigueur depuis juillet les a cependant démultipliés, et surtout il les a sacrément renforcés. Avec des grilles d’écarts et des sanctions automatiques écrites noir sur blanc dans l’arrêté, ces contrôles laissent désormais peu de place aux approximations. Trop d’écarts ? Le diagnostiqueur certifié devra en repasser par une formation supplémentaire ou un « contrôle de rattrapage », avec la menace d’un retrait de certification – autant dire la fin de son activité- au cas où il accumulerait à nouveau trop d’écarts. Radical.
Effet collatéral
Trop tôt encore pour mesurer les effets de ces contrôles sur ouvrage qui viennent à peine de s’enclencher, mais les diagnostiqueurs qui travaillaient à la va-vite pour abattre du volume ont vraisemblablement des soucis à se faire. Trop d’impasses, trop d’approximations dans les mesures et le couperet tombera mécaniquement. C’est bien l’objectif de cette réforme que de professionnaliser le diagnostic coûte que coûte quitte à sortir ceux qui n’auraient pas encore compris qu’on ne peut plus réaliser le DPE comme il y a dix ans.
L’avenir dira si cette réforme produit les effets attendus, en éradiquant les mauvaises pratiques et les DPE expédiés à vitesse « V ». Effet collatéral, le DPE ne sera peut-être plus ce diagnostic bon marché comme les pouvoirs publics l’ont toujours voulu. En septembre, les principales fédérations du diagnostic estimaient que le prix du DPE devait être augmenté de 10 à 15% pour absorber les nouvelles exigences réglementaires. Plus facile à dire qu’à faire aujourd’hui. Car si le diagnostiqueur voit ses charges augmenter, il a encore du mal à les répercuter dans un univers où les prix restent libres et où les prescripteurs ont parfois tendance à privilégier le tarif, sans trop regarder à la qualité du diagnostic.
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