
On en parle beaucoup, mais le DPE de complaisance est-il une pratique commune chez les diagnostiqueurs? Clairement non, si l’on en croit les quelques études sur le sujet. Rapporté aux millions de diagnostics réalisés chaque année, le DPE de complaisance pèse finalement peu : moins de 3,5% pour l’étude pourtant la moins tendre avec les diagnostiqueurs. Et les mesures annoncées par le gouvernement, et la jurisprudence qui s’écrit, risquent encore de marginaliser un peu plus encore cette vilaine pratique.
Ce n’est pas parce qu’on en parle beaucoup que ça existe à grande échelle. On pourrait même se dire que ça existe surtout parce qu’on en parle. Le DPE de complaisance est un sujet à la mode qui écorne l’image de la profession et qui laisse désormais planer une suspicion sur la probité du diagnostiqueur.
L’étude la plus sérieuse sur le sujet est sans doute celle du Conseil d’analyse économique (CAE) dévoilée en juin 2024. Selon ce collège d’experts rattaché au Premier ministre, 1,7% des DPE depuis la grande réforme de 2021 seraient « manipulés ». Seulement 1,7%, serions-nous tentés d’ajouter. La ministre du Logement, Valérie Létard, le reconnaissait lors de sa présentation du plan d’actions pour fiabiliser le DPE : sur les trois à quatre millions de diagnostics réalisés chaque année en France, le gouvernement en recense (seulement) 70.000 « frauduleux ».
Même la très contestée étude de Krno surgie à l’automne 2024 concluait à 3,4% de DPE surévalués. Deux fois plus que l’étude du CAE, certes, mais toujours très peu en comparaison avec la masse des diagnostics effectués. 1,7% ou 3,4% ou même 3,2% de DPE surévalués (selon une autre analyse surgie en janvier), finalement on reste sur la portion congrue. Pour se faire une idée, le taux d’erreur en médecine -où les conséquences ne sont pas les mêmes- avoisine les 10%.
Qu’importe, cette portion congrue est devenue trop voyante. 70.000 DPE frauduleux, « c’est 70.000 de trop », selon Valérie Létard. Pivot de la rénovation énergétique, critère essentiel à la vente/location, le DPE doit être irréprochable. La suite, on la connaît. Pour lutter contre cette pratique finalement pas si répandue, la ministre a sorti l’artillerie lourde avec son plan de dix actions. De quoi dissuader définitivement un opérateur normalement constitué de céder aux pressions d’un agent immobilier ou d’un propriétaire.
Pression jurisprudentielle
La pression change de camp. Deux récents arrêts de cours (*) d’appel illustrent un durcissement des sanctions. Propriétaires ou agents immobiliers ne peuvent plus se réfugier derrière le diagnostiqueur, ils doivent aussi composer avec cette nouvelle pression jurisprudentielle.
Un vendeur qui fait passer plusieurs diagnostiqueurs et ne retient que le DPE le plus généreux se met en faute : rien ne l’empêche de solliciter plusieurs professionnels, mais il doit alors communiquer l’ensemble des diagnostics réalisés. Idem pour l’agent immobilier qui n’a rien dit à l’acquéreur de l’existence de plusieurs DPE aux étiquettes discordantes. Autre arrêt, un vendeur qui sait que l’estimation des consommations ne colle absolument pas à la réalité de son bien et le passe sous silence met aussi en faute. A chaque fois, la justice rappelle le propriétaire à son devoir de loyauté.
Dans ces deux affaires, le diagnostiqueur qui avait commis de grossières erreurs -laissant effectivement penser à un diagnostic de complaisance- a bien entendu été condamné. Logique. Mais le vendeur a aussi écopé d’une condamnation l’obligeant tantôt à prendre à sa charge les travaux permettant d’atteindre la performance énergétique avec lequel le bien a été vendu, tantôt à prendre à s’acquitter des surconsommations électriques. Il s’agissait pourtant de DPE réalisés avant 2021, lorsque le diagnostic était réputé n’avoir qu’une valeur informative.
La pression jurisprudentielle conjuguée au plan d’actions annoncé par la ministre porte un nouveau coup aux mauvaises pratiques. A l’évidence, le DPE de complaisance risque à l’avenir d’être encore plus marginal qu’il ne l’est déjà. Mais ce n’est pas pour autant l’on n’en entendra plus parler.
(*) Nos articles : DPE erroné : les acquéreurs indemnisés de leur surconsommation électrique et Le DPE passe d’une étiquette G à D : les vendeurs, le diagnostiqueur et l’agent immobilier condamnés
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