Toujours décrié, le DPE est devenu incontournable dans la rénovation énergétique. L’outil n’avait pourtant pas été taillé pour cet usage à sa naissance en 2006. A coups de réformes successives, les pouvoirs publics tentent aujourd’hui de le fiabiliser. Un récent rapport du Conseil d’analyse économique, instance placée directement auprès du Premier ministre, tente d’en mesurer les effets.
Quiconque suit le diagnostic immobilier peut en témoigner. Oui, le DPE d’aujourd’hui n’est sans doute pas parfait, mais il est sans commune mesure avec ce qu’il était par le passé. De simple information destinée à sensibiliser les ménages, le DPE est devenu un outil de valorisation de la performance énergétique d’un logement et aussi un outil support aux politiques publiques de rénovation. La filière, dans son ensemble, a bien compris les enjeux attachés au diagnostic même si le diagnostic continue à faire parler de lui comme en témoigne l’article du Parisien, pas plus tard que la semaine passée.
Pour le Conseil d’analyser économique (CAE) les réformes successives qui ont visé le DPE depuis plusieurs années portent leurs fruits avec un peu moins de diagnostics surclassés. Par le passé, une étude avait déjà montré un effet de seuil. Bizarrement, lorsqu’on s’approche de la borne basse d’une classe énergétique, le nombre de diagnostics se raréfie. Exemple, avec la classe G qui démarre à partir de 420 kWh/m²/an. Beaucoup de DPE légèrement en dessous, mais très peu légèrement au-dessus. L’étude du CAE évoque ainsi des « ruptures de la distribution des DPE au niveau des seuils entre deux catégories, que la méthodologie du DPE elle-même n’explique pas ». Quelques kWh grappillés, une classe sautée, cela peut parfois changer pas mal de choses.
Ce surclassement n’a cependant rien d’une spécificité française. Le CAE l’observe aussi ailleurs dans d’autres pays européens qui ont adopté le Certificat de performance énergétique voulu par l’Union européenne. L’étude prend l’exemple de l’Irlande où elle observe la même concentration de certificats à l’extrême limite d’un seuil entre deux classes de performance, du côté le plus favorable.
Ces logements en F qui basculent en E
« Avant les réformes de 2021, on estime que 3,9 % des DPE étaient manipulés et se trouvaient dans une catégorie plus favorable. En analysant les données avant et après les deux principales réformes (harmonisation et opposabilité du DPE, puis entrée en vigueur de l’interdiction de location des passoires énergétiques), on observe que la part des DPE soupçonnés d’être manipulés aux seuils diminue de plus de moitié, pour atteindre 1,7%. » Cet effet de seuil s’est un peu estompé, mais il n’a pas disparu. « Nous constatons que la répartition des DPE dans les classes A, B, C et D est beaucoup plus régulière. Mais nous observons toujours des anomalies aux seuils D/E, E/F et F/G ».
Pour le CAE, il faut clairement y voir l’effet, bénéfiques, des retouches apportées au diagnostic. « L’instauration de l’opposabilité du DPE, qui implique la responsabilisation des parties impliquées dans le diagnostic, a réduit la manipulation et/ou que l’harmonisation et la consolidation de la méthode 3CL ont réduit la possibilité d’une manipulation. » L’interdiction progressive de mise en location des passoires énergétiques aurait pu engendrer un impact contraire avec des propriétaires-bailleurs davantage enclins à manipuler le DPE mais les « résultats indiquent que les mesures de fiabilisation du DPE ont en tous cas eu un effet plus fort ».
C’est mieux, mais le DPE peut (doit) mieux faire encore. Car le CAE observe « une augmentation sensible du bunching au seuil F/G, le premier concerné par la réglementation sur le marché locatif, à la fin de notre période d’observation, à partir de janvier 2023 ». En clair, des logements qui flirtent avec la borne basse F grappillent quelques kWh pour basculer en E et échapper à leurs obligations. « L’entrée en vigueur des interdictions de location étant récente, il faudra donc surveiller son impact à plus long terme sur la fiabilité du DPE. »
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