On imagine la (très mauvaise) surprise. Ils ne se doutaient de rien. Onze ans après avoir acheté bien, le préfet veut les chasser de leur maison. Édifiée en partie dans une zone non constructible. Leur maison doit être démolie en vertu d’une vieille décision de justice que leur vendeur s’est bien gardé de leur dire.
Le temps de la justice est parfois long, très long. En 2009, le tribunal correctionnel d’Avignon condamne un propriétaire à démolir sa maison. Motif ? Une extension de 30m² édifiée l’année précédente se trouve « en zone non constructible en présence d’un risque d’inondation », « réalisée sans permis de construire et en méconnaissance du plan d’occupation des sols en vigueur ».
Notre homme se garde bien d’exécuter la décision de justice. Trois ans plus tard, il signe la vente du bien pour un montant de 220.000 euros. Sans dire quoi que ce soit aux acquéreurs. L’acte de vente précise que « le vendeur a déclaré qu’il n’était frappé d’aucune mesure restreignant son pouvoir de disposer librement du bien vendu » (sic). Les acquéreurs n’ont pas « été avisés à ce moment là de l’existence de cette condamnation ou du caractère illégal de la construction nécessitant sa démolition sauf à être informés de la localisation de l’immeuble dans le périmètre d’exposition délimité par le plan de prévention des risques naturels prescrit».
Chassés de leur maison
L’histoire déjà suffisamment rocambolesque aurait pu en rester là. Les années passent, la justice se réveille enfin. Nous sommes en 2022, le ciel tombe sur la tête des acquéreurs qui n’ont pas encore fini de payer leur prêt. En novembre 2022, ils reçoivent d’abord une assignation du préfet leur demandant de quitter les lieux. Trois mois plus tard, le tribunal rend une ordonnance afin de faire exécuter la décision laissée en jachère durant 13 ans : expulsion du domicile « le cas échéant avec le concours de la force publique », sans solution de relogement, sans dédommagement aucun et sans délais.
Fort de café. Comment une décision de justice à l’encontre de l’ancien propriétaire pourrait-elle être exécutée à leur endroit ? Devant la cour d’appel de Nîmes, les propriétaires évoquent « une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété et leur droit à une vie privée et familiale ». « Si la démolition est en l’espèce déjà actée par le jugement de 2009, sa mise à exécution 13 ans plus tard à l’égard d’un autre propriétaire exige d’effectuer à nouveau ce contrôle de proportionnalité ».
Mesure d’expulsion excessive
La cour d’appel revient à davantage de bon sens. Après tout, « c’est (…) en parfaite bonne foi que les appelants ont fait l’acquisition d’un immeuble et l’ont occupé pendant 11 années et y ont établi leurs intérêts ignorant à cet égard l’existence de la condamnation pénale et que l’habitation était vouée à être détruite, éléments qu’ils ont découverts seulement en 2022 lors de l’assignation délivrée par la Préfète ».
Par conséquent, la cour d’appel juge « excessif d’ordonner en référé une mesure d’expulsion en raison de la violation de règles d’urbanisme impératives et d’une condamnation pénale près de 13 années après la condamnation initiale et alors même que les appelants ont découvert leur existence seulement le 25 novembre 2022 au moment de la délivrance de l’assignation à la demande de Mme la Préfète ».
Ouf ! L’ordonnance d’expulsion est donc totalement infirmée, les propriétaires n’auront pas à quitter la maison. Pas dans l’immédiat, du moins. Une bataille est gagnée, mais ce n’est sans doute pas fini. Car il y à l’évidence quelque chose qui a sérieusement dysfonctionné dans cette vente opérée en 2012. L’action est éteinte à l’encontre du vendeur, premier responsable, décédé début 2023. Mais sa mauvaise foi évidente n’explique pas tout : les acquéreurs auraient à l’époque dû être informés de cette situation.
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