Les énergies fossiles sont dans le collimateur du gouvernement. Après le fioul, au tour du gaz ? Depuis un an, les nuages noirs s’accumulent. Côté filière, on s’inquiète d’une décision brutale et rapide, alors que l’on réfléchit justement à des alternatives plus écologiques.
Il y a d’abord eu l’interdiction du gaz dans l’individuel neuf, en 2022. Puis la fin de MaPrimeRénov’ pour l’installation d’une chaudière gaz en 2023, quelle que soit sa performance. Aujourd’hui, c’est l’Europe qui à travers sa nouvelle Directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) envisage tout bonnement d’éradiquer cette bonne veille chaudière au gaz dont dépendent encore 12 millions de ménages en France. Et vite, de surcroît, puisqu’on évoque un horizon 2040, peut-être même 2035.
L’étau se resserre et alimente des inquiétudes légitimes au sein de la filière gaz. Au point que le ministre Olivier Klein interpellé sur le sujet en début de semaine à l’Assemblée nationale, a jugé bon de jouer l’apaisement. « Il n’y a pas à ce jour d’objectifs d’interdiction de la production de chauffage et d’eau chaude dans les logements anciens. » Pas d’interdiction dans les tuyaux, du moins « à ce jour », juste une réflexion « pour diminuer l’empreinte carbone ». Circulez.
Le tout-électricité, “une fausse bonne idée”
La fin du gaz serait donc une simple rumeur ? Philippe Auvray sourit. Le vice-président de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) n’est pas du genre langue de bois, il n’y croit pas vraiment. « Il n’y a pas de fumée sans feu. » Si l’interdiction n’est pas encore formalisée, les signes ne mentent pas, il y aurait bel et bien une volonté gouvernementale de favoriser le tout-électrique sous couvert de décarbonisation, au détriment des équipements gaz dès 2030-2035.
« Une fausse bonne idée », selon Philippe Auvray. Outre l’inquiétude, c’est un sentiment d’incohérence qui domine. « On ne peut pas se lever le matin et dire que l’on va supprimer le gaz. Vouloir interdire le gaz à court terme, sera dommageable pour tout le monde. Pour le consommateur et son pouvoir d’achat, pour la filière, pour les collectivités, pour les entreprises… On ne dispose pas d’alternative dans l’immédiat. » Comme si on reproduisait les erreurs du passé : on veut du tout-électrique comme on a voulu du tout diesel, ou du tout nucléaire…
L’élu de l’Orne, ancien de GRDF, ne croit pas au tout-électrique, avec la pompe à chaleur qui viendrait remplacer la chaudière gaz, à grands renforts de subventions. « Il y a dix ans, on était importateur d’électricité, mais on a bien vu cet hiver que l’on n’était plus autosuffisant qu’il fallait désormais importer de l’électricité. » Pas sûr que le réseau électrique supporte demain l’afflux de foyers aujourd’hui chauffés au gaz (41% des logements), tout particulièrement en système rural. Les experts de la FNCCR ont ainsi estimé qu’il faudrait neuf réacteurs EPR supplémentaires si toutes les maisons aujourd’hui chauffées au gaz se convertissaient à la pompe à chaleur. Au rythme de construction d’une centrale nucléaire, cela laisse songeur…
Un “mix énergétique”
La FNCCR plaide donc pour un « mix énergétique » afin de ne pas fragiliser le système énergétique. « Chaque énergie a sa place, les énergies renouvelables, le gaz, l’électricité… Que chaque territoire puisse choisir la solution la plus adaptée. La filière gaz est d’accord pour évoluer, mais prenons le temps de réfléchir. »
Du temps justement. C’est bien ce que réclame la FNCCR dans sa motion expédiée tous azimuts en mars pour faire fléchir le gouvernement et accorder un sursis au gaz. Le temps que des alternatives plus décarbonées atteignent leur maturité. Pour Philippe Auvray, interdire le gaz à brève échéance, risquerait de contrarier les actuels efforts R&D. Pourquoi continuer à investir dans des énergies moins carbonées, si demain les chaudières gaz sont supprimées ?
« Il existe actuellement des alternatives sur lesquelles nous travaillons. Le biogaz ou le gaz vert en est une qui peut participer aussi à la souveraineté énergétique. Si on veut compenser les 17% de gaz russe importés auparavant, il nous faut 5.000 méthaniseurs. C’est possible. Mais on ne peut pas encourager la production agricole de gaz vert, et en même temps interdire les chaudières au gaz, ça n’a pas de sens. » Le biogaz est une solution souvent avancée, mais il y en a d’autres pour prendre le relais. La chaudière hydrogène « aujourd’hui expérimentale », la pyrogazéification, la méthanisation des déchets ménagers, pour se contenter de ces quelques exemples.
Pourvu qu’on leur laisse le temps. « On est ouvert au progrès mais pas du jour au lendemain. 2050 paraît un objectif raisonnable. » Le temps que la filière puisse développer des alternatives conciliables avec les enjeux écologiques.
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