L’exemple reste isolé, mais on se dit qu’il pourrait faire tâche d’huile par les temps qui courent. Se plaignant d’une facture électrique bien trop élevée et sans rapport avec le DPE qu’on leur avait remis, des locataires attaquent leur bailleur. Ils réclament deux choses: une réduction du prix du loyer, et une indemnisation de leur surconsommation électrique.
Le DPE était plutôt optimiste, avec une facture d’électricité estimée à 1.111 euros par an pour cette maison du Nord. Les locataires vont rapidement déchanter. Six mois après être entrés dans les lieux, ils enregistraient déjà plus de 3.200 euros de consommations électriques… Ça fait une sacrée différence.
La maison a en effet des allures de passoire thermique. “Le grenier de l’habitation n’est pas isolé, pas plus que la porte d’accès au grenier dont le calfeutrement est insuffisant.” L’expert amiable note encore “une absence d’isolation des plafonds des pièces situées en dessous de ce grenier ce qui contribue à une déperdition énergétique importante”. Un nouveau diagnostic réalisé aux frais des locataires en 2019 classe le bien en G avec une consommation de 489 kwhEp/m²/an et une estimation des consommations énergétiques qui flirte avec les 3.000 euros.
Devant la justice, le couple locataire réclame 5.400 euros au titre des dommages-intérêts afin d’éponger les surconsommations électriques ainsi qu’une diminution du montant de leur loyer. Pour eux, le diagnostic qu’on leur a remis au moment de signer le bail est clairement erroné. Pire, les bailleurs leur ont dissimulé la vérité, ils savaient combien la maison était gourmande grâce à un précédent DPE, en 2010, qui donnait le bien en G. Faux, se défendent les propriétaires, les menuiseries ont été changées, si bien que le DPE de 2010 avait perdu de sa pertinence.
Le DPE n’était pas encore opposable
Les choses ne sont pas si simples. La cour d’appel de Douai rappelle d’abord qu’à la date du bail en 2017, le DPE n’avait pas encore son caractère opposable. “Le caractère essentiel de la performance énergétique du logement ne peut pas résulter d’un projet de loi postérieur à la prise à bail.” Et ça change tout, car le locataire ne peut se prévaloir à l’encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique, qui n’a qu’une valeur informative. Mais cela vaut uniquement parce que le DPE a été réalisé avant la réforme du 1er juillet 2021.
La justice revient également sur une confusion souvent faite par les usagers. Le montant des consommations fourni par DPE reste une estimation qui s’appuie sur différents standards: des températures climatiques moyennes, une température ambiante de 19°C, une période d’occupation moyenne du bien… L’estimation permet de comparer différents biens entre eux, mais elle ne doit pas être prise pour argent comptant. “Un écart est possible entre les consommations d’énergie issues de la simulation conventionnelle et celles réellement consommées, les écarts pouvant être significatifs en fonction du mode de vie et du nombre d’occupants.”
C’est d’ailleurs ce que montre le DPE mis en cause par les locataires : en page 5, la consommation déclarée par l’utilisateur correspond en effet à plus du double de la consommation estimée dans le diagnostic. Peut-être que les locataires n’ont pas épluché le diagnostic, mais dans tous les cas ils ne pouvaient ignorer que les consommations réelles étaient bien supérieures.
Les propriétaires n’ont donc rien dissimulé, le caractère erroné du DPE n’est pas démontré, si bien que la cour d’appel rejette en bloc les demandes des locataires. Mais on peut penser que si le DPE avait été opposable, l’issue n’aurait peut-être pas été la même.
Cour d’appel de Douai, 8 septembre 2022, n°21-03496.
Bien évidemment … pas opposable si on met en cause la seule personne qui ne l’est pas. Heureusement dorénavant les particuliers ne feront plus les frais d’avocat qui les orienteront vers la mauvaise procédure. Le seul responsable à mettre en cause est celui qui a mal fait son job sur la base duquel à été fait un choix qui du coup s’est avéré mal éclairé !
Bien d’accord. On peut d’ailleurs se demander quelle aurait été l’issue de ce procès, si au lieu de s’attaquer au bailleur, le locataire avait traîné le diagnostiqueur en justice (ou si le bailleur avait appelé en garantie le diagnostiqueur)… Deux choses me paraissent essentielles à travers cette histoire: 1. qu’un locataire attaque son bailleur pour sa surconsommation énergétique en s’appuyant sur le DPE; au vu de la crise actuelle, il est à craindre que pareille situation ne se reproduise. 2. Le DPE est encore mal compris, et l’estimation des consommations reste prise pour argent comptant alors que sa vertu principale est de permettre une comparaison entre plusieurs bien à partir de standards.