
C’est la douche froide, même si l’info qui circulait depuis quelques semaines n’aura surpris personne. MaPrimeRénov’, victime de son succès, et surtout victime des coupes budgétaires, sera donc temporairement suspendue. Le gouvernement joue l’apaisement. Le redémarrage est annoncé à la rentrée, mais il faut sans doute s’attendre à de nouvelles règles du jeu en particulier pour les rénovations d’ampleur.
MaPrimeRénov’ sera donc suspendue d’ici le 1er juillet, et jusqu’à mi-septembre. Dans un communiqué, la ministre annonce « la fermeture temporaire cet été des dépôts des dossiers pour la rénovation globale individuelle et pour les travaux individuels d’isolation ou de changement de système de chauffage ». Que ce soit pour la rénovation d’ampleur, ou pour les travaux d’isolation et de changement de chauffage. Les autres dispositifs comme MaPrimeRénov’ copropriété y échappent toutefois.
Un dispositif en surchauffe
Officiellement, cette suspension doit laisser refroidir un système en surchauffe. La décision est motivée à la fois par des fraudes croissantes, et par le retard pris dans le traitement des dossiers. Cette suspension permettra ainsi de se doter « de nouveaux outils pour mieux détecter (les fraudes) et punir les délinquants » et de rattraper le retard dans le versement des aides. Le délai de traitement des dossiers est ainsi passé de 70 jours l’an passé à 105 jours pour les rénovations d’ampleur.
Officiellement, la suspension du dispositif ne relèverait donc pas d’un « problème budgétaire ». « Il n’y a pas de sujet budgétaire. On a prévu au budget 3,6 milliards et on a dépensé pour le moment 1,3 milliard », selon le ministre de l’Économie, Eric Lombard interrogé par la commission de finances au Sénat. Même son de cloche du côté du ministère du Logement.
L’explication ne convainc personne cependant. Le nombre de rénovations d’ampleur a été multiplié par trois au premier trimestre, et il pèse forcément sur un budget de l’Anah victime de coups de rabots. L’Anah avait ainsi dévoilé son bilan il y a quelques semaines, si MaPrimeRénov’ poursuit sur sa lancée du premier trimestre, les crédits ne suffiront pas. Simple question de mathématiques. Certains territoires ont déjà tiré la sonnette d’alarme, les crédits pour 2025 sont épuisés.
Vers un afflux de dossiers à la rentrée ?
Si la suspension est hautement symbolique, elle reste cependant temporaire assure depuis mercredi la ministre du Logement. « D’ici la fin du mois de septembre 2025, les dossiers de rénovation globale et de travaux individuels sans distinction pourront être de nouveau déposés, dans un cadre ajusté qui garantira visibilité, rapidité et fiabilité pour les ménages et les entreprises. »
En pratique, cette suspension d’à peine deux-trois mois devrait donc se solder par un décalage dans le dossier. Les ménages qui envisageaient l’installation d’une PAC ou une rénovation globale devraient, logiquement et légitimement, accélérer leur projet (les dossiers déposés avant la suspension seront traités) ou décaler leur projet à la rentrée afin de profiter des subventions.
Bilan des opérations, cette suspension permettra sans doute d’écluser le retard dans le traitement des dossiers MaPrimeRénov’, mais elle risque aussi de créer un afflux dès la fin septembre. Pour les finances de MaPrimeRénov’, c’est du pareil au même, avec seulement des dépenses décalées dans le temps.
Vases communicants
On le sait, le ministère du Logement songe à revoir le dispositif pour la rénovation d’ampleur. Valérie Létard l’a d’ailleurs confirmé au micro de France Inter ce jeudi, « il faut changer les règles du jeu ».
Le projet est dans les tuyaux. L’idée est simple que ces rénovations d’ampleur de plus en plus coûteuses et de plus en plus nombreuses ne pèsent plus sur les finances publiques, mais plutôt sur le privé en s’appuyant sur l’autre grande aide de la rénovation énergétique, les certificats d’économie d’énergie. Ce dispositif a un gros avantage sur MaPrimeRénov’, c’est qu’il ne coûte rien à l’État puisque ce sont les « obligés », autrement dit les fournisseurs d’énergie qui le financent.
Deux projets d’arrêtés se trouvent dans les tuyaux pour revoir le dispositif CEE. Le premier supprime 11 fiches d’opérations standardisées (qui concernent assez peu le particulier) permettant d’économiser plus de 1,5 milliard d’euros, le second met davantage à contribution les CEE pour financer les rénovations d’ampleur. Le volume total de CEE délivrés pour ces travaux serait littéralement multiplié par 5 pour les ménages en situation de précarité énergétique, par 4 pour les ménages aux ressources modestes et par deux pour les autres ménages.
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