Longtemps parent pauvre de la réglementation, la qualité de l’air intérieur s’immisce peu à peu dans la rénovation énergétique. Et le sujet pourrait s’imposer davantage dans un quinquennat annoncé plus vert encore. Une proposition de loi portée par la majorité sortante et passée quasi inaperçue, pourrait bien resurgir dans les prochains mois afin de renforcer la réglementation sur la qualité de l’air intérieur.
Les chiffres font peur. Quelque 40.000 décès prématurés chaque année en raison de la pollution au particules fines, un coût sanitaire et socio-économique estimé par le Sénat en 2015 à la modique somme de 100 milliards d’euros; 20 milliards pour la seule qualité de l’air intérieur. Le député Jean-Luc Fugit (REM, Rhône), chimiste de profession, et président du Conseil national de l’air, prend soin de les rappeler dans l’argumentaire qui accompagne sa proposition.
Déposée à la veille des fêtes de fin d’année, avec une campagne électorale dans l’enfilade, cette proposition de loi était à l’évidence vouée à l’échec. Partie remise, elle pourrait bientôt resurgir dans un contexte de rénovation favorable. Car alors que plusieurs millions de passoires énergétiques sont censées être rénovées dans les cinq ans à venir, la qualité de l’air intérieur peine à émerger réellement malgré quelques avancées timides au cours des derniers mois.
Télétravail en cas de pic de pollution
Dans sa nouvelle version, le DPE s’est enrichi de quelques lignes sur le sujet. Simple information pour le moment, mais cela témoigne de l’intérêt grandissant pour la QAI. De même, pour l’audit énergétique toujours annoncé pour le 1er septembre: c’est écrit noir sur blanc dans le décret, les propositions de travaux devront permettre “d’améliorer le confort thermique et la qualité d’air et de parvenir à une rénovation performante”. Rien n’est joué pour autant, il faudra encore voir comment cela se traduit concrètement sur le terrain, mais l’intention est là. Toujours au cours des derniers mois, on a aussi vu passer un projet de décret destiné à renforcer la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les ERP (établissements recevant du public), dispositif souvent critiqué parce qu’il favorise l’autodiagnostic.
A l’évidence, l’arsenal est appelé à s’étoffer encore à l’avenir. On pense notamment aux propositions qui étaient formulées dans le texte déposé en décembre, comme l’adaptation du travail en cas de pic de pollution. Les députés REM porteurs de cette proposition de loi suggéraient non seulement un recours plus massif au télétravail pour limiter les trajets travail-domicile, mais aussi l’arrêt des chantiers émetteurs de particules fines lors des épisodes de pollution. Ces interruptions de chantier bénéficieraient alors du même régime juridique que les intempéries.
Le retour de l’audit QAI
Au chapitre qualité de l’air intérieur, le texte proposait également quelques avancées qu’on devrait revoir tôt ou tard. Comme par exemple un meilleur encadrement des systèmes de traitement d’air “pour éviter l’installation désordonnée de technologies qui peuvent s’avérer inefficaces, contre‑productives, voire dangereuses”. Les comparatifs menés sur les purificateurs d’air ont montré des performances très inégales et les experts de la QAI mettent parfois en garde contre ce type d’équipement qui peut s’apparenter à un “droit à polluer”.
Autre idée qui risque de revenir sur le tapis, celle d’un audit qualité de l’air intérieur pour les logements. Dans sa proposition de loi, le député Jean-Luc Fugit proposait “une expérimentation dans les territoires volontaires de diagnostics de performance de la qualité de l’air intérieur pour les bâtiments, en complément des diagnostics de performance énergétique des bâtiments qui existent déjà, pour une meilleure information des occupants du logement sur les conditions de vie dans leur logement”. L’expérimentation devait ainsi évaluer la pertinence d’un tel diagnostic puisque la qualité de l’air intérieur tient autant aux qualités intrinsèques du bâtiment qu’aux habitudes de ses occupants.
L’idée n’est pas nouvelle, on se souvient que dans les discussions entourant la loi Climat et résilience, plusieurs amendements plaidaient déjà en faveur d’un tel audit. Ce diagnostic QAI ou ce contrôle de la ventilation a même parfois été suggéré par des organismes comme l’Anses en 2016. Pour le moment, un tel diagnostic a toujours été recalé, les pouvoirs publics privilégiant la carte de la sensibilisation et de l’information, avec notamment des outils d’autodiagnostic tels que “Un bon air chez moi“. Pour le moment… Car avec un nouveau quinquennat qui promet d’accélérer la transition écologique, on voit mal comment les pouvoirs publics pourraient laisser de côté la qualité de l’air.
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