Rénovation d’ampleur, l’État mise désormais sur les CEE

L’État espère toujours 100.000 rénovations d’ampleur pour fin 2025, mais ne veut plus mettre la main à la poche. Pour continuer à soutenir ces chantiers qui ont littéralement explosé au premier trimestre 2025, le dispositif promet d’être une nouvelle fois totalement bousculé. Un projet d’arrêté prévoit de mettre davantage à contribution les CEE pour alléger MaPrimeRénov’, dès le 1er juin.

Les rénovations d’ampleur explosent. La preuve par les chiffres. Au premier trimestre 2025, l’ Agence nationale de l’habitat (Anah) a enregistré trois fois plus de rénovations du genre en l’espace d’un an : 17.178 dossiers acceptés à fin mars 2025 contre 5.584 à fin mars 2024 selon le dernier bilan officiel. La comparaison vaut ce qu’elle vaut, à l’époque, l’Anah inaugurait un nouveau dispositif qui avait encore besoin de se roder, et les rénovations d’ampleur avaient du mal à décoller.

Un budget intenable

Si cette hausse est sans doute bonne pour la décarbonation, elle l’est moins en revanche pour les finances de l’État. Car les coûts explosent : 62.000 euros HT versés en moyenne pour une rénovation d’ampleur contre 56.642 euros HT un an plus tôt. Au total, l’Anah a déjà sorti 552 millions d’euros d’aides au premier trimestre.

Et c’est sans compter la rénovation par geste. Si les travaux mono-gestes sont en forte baisse par rapport à 2024 (-35%), ils pèsent encore sur le budget : 46.000 rénovations au premier trimestre pour 144 millions d’euros de subventions octroyés. Ajoutons encore MaPrimeAdapt’ avec 53 millions d’euros engagés et Ma Prime logement décent avec 29 millions d’euros, on est complètement sorti des clous.

Résultats, certains territoires ont déjà épuisé leur enveloppe budgétaire pour l’année. Comme en Ardèche où des dossiers déposés en avril doivent être reportés sur 2026. A ce rythme, le budget de 2,3 milliards d’euros alloué à l’Anah pour 2025, devient franchement étriqué. Et à un moment où la priorité des priorités est de réaliser les économies budgétaires, on voit mal comment l’enveloppe de MaprimeRénov’ augmenterait.

Comment accélérer la cadence sur les rénovations d’ampleur -le ministère en veut toujours 100.000 à fin 2025- sans mettre davantage la main à la poche ? L’État mise désormais sur les certificats d’économie d’énergie (CEE).

Le privé à la rescousse

Un projet d’arrêté soumis au Conseil supérieur de l’énergie ce mardi, prévue pour une entrée en vigueur dès le 1er juin, prévoit d’augmenter significativement les primes CEE pour les rénovations d’ampleur menées dans les maisons individuelles (fiche BAR-TH-174) et les appartements (BAR-TH-175).

Le volume total de CEE délivrés pour ces travaux serait littéralement multiplié par 5 pour les ménages en situation de précarité énergétique, par 4 pour les ménages aux ressources modestes et par 2 pour les autres ménages. Un virage à 180° qui ferait basculer le coût des rénovations globales vers le privé au risque de bousculer un dispositif qui, enfin, semblait s’être stabilisé.

L’opération est sans doute bénéfique pour le porte-monnaie de l’État puisque les CEE guidés par le principe de pollueur-payeur ne lui coûtent pas un sou. Ce sont les « obligés », notamment les énergéticiens, qui financent, autant dire les clients. Davantage de CEE font donc courir le risque d’une hausse des factures des Français. La Cour de comptes avait déjà alerté sur ce surcoût en septembre 2024 : selon son estimation, en acquittant ses factures d’énergies et en faisant le plein de sa voiture, chaque ménage a déjà financé le dispositif à hauteur de 164 euros en 2023.

Pour éviter trop de répercussions sur la facture des Français, l’État joue donc aux vases communicants. Un deuxième projet d’arrêté lui aussi examiné par le Conseil supérieur de l’énergie ce mardi prévoit de supprimer 11 opérations aujourd’hui financées par les CEE. Selon les estimations, l’économie oscillerait de 1,5 à 2 milliards d’euros. De quoi faire entrer dans les dépenses le nouveau coût des rénovations d’ampleur.