Plusieurs millions de passoires à rénover d’ici 2028, l’objectif apparaît aujourd’hui intenable aux yeux de beaucoup. Mais c’est aussi parce qu’on a perdu beaucoup de temps. Une commission d’enquête du Sénat se penche sur l’efficacité des politiques publiques de la rénovation énergétique. Vaste sujet. Les auditions ont démarré mardi, avec deux ex-ministres de l’Écologie, François de Rugy et Ségolène Royal
Quinze années de promesses non tenues. Depuis le Grenelle de l’environnement (2008, quand même), les gouvernements n’ont jamais cessé de parler de rénovation énergétique et de fixer des objectifs. Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 38% dans le bâtiment en 2020? On n’y est toujours pas. Rénover 500.000 logements par an? Dix ans après, on en reste très loin. Éradiquer les passoires thermiques F et G en 2025? L’objectif a été repoussé à 2028 et se borne uniquement au parc locatif.
Pourtant, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis quinze ans ont imaginé des dispositifs et déployé des moyens significatifs: crédits d’impôt, TVA réduite, éco-PTZ, prime de transition énergétique (MaPrimeRénov’) et on en passe. Au point que cela en est devenu un véritable mille-feuille régulièrement critiqué pour sa complexité. Et lorsque l’objectif de massification semble enfin atteint avec MaPrimeRénov’ et ses presque 700.000 “rénovations” annuelles, on s’aperçoit que le dispositif est loin d’être efficace.
La commission d’enquête du Sénat créée en janvier sur une résolution des sénateurs EELV, s’interroge ainsi sur l’efficacité des politiques actuelles et passées, avec l’ambition, dès cet été, de remettre sa copie assortie de “recommandations pour permettre une massification effective de l’indispensable effort national de rénovation énergétique des bâtiment”.
Le symbolique prime sur l’efficacité
François de Rugy et Ségolène Royal sont les deux premiers ex-ministres à se coller à l’exercice. D’autres suivront, auditionnés par la commission d’enquête dès la semaine prochaine, Barbara Pompili, Emmanuelle Cosse, Emmanuelle Wargon, Cécile Duflot, ministres du Logement ou de la Transition écologique en leur temps. Avec les mêmes questions: pourquoi depuis 15 ans, la rénovation patine-t-elle? Qu’est-ce qui lui manque aujourd’hui?
Ségolène Royal (2014-2017) vante le bilan de ses trois années passées à l’hôtel de Roquelaure, entre la COP21 ou la loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Malheureusement, des erreurs ont ensuite été commises. Exemple parmi d’autres, le crédit d’impôt gommé au profit de MaPrimeRénov’ lancé en 2020. Le dispositif marchait, pourquoi l’avoir supprimé? “Si l’on avait continué le crédit d’impôt, 50 % de l’isolation thermique du bâti aurait été faite”, est convaincue Ségolène Royal. Faire et défaire, c’est aussi une critique que l’on retrouve dans le témoignage de François de Rugy, passé par le ministère de la Transition écologique (2018-2019). Les gouvernements font, défont, empilent, sans toujours mesurer l’efficacité des dispositifs existants.
L’ex-ministre devenu banquier d’affaires vante aussi son bilan, mais affiche des regrets. L’efficacité dont manque cruellement la rénovation énergétique est parfois (souvent?) sacrifiée au bénéfice d’intérêts médiatiques et politiques, y compris en écologie. “Le plus symbolique l’emporte largement et très souvent sur le plus efficace.” On ressent un peu un sentiment d’impuissance. François de Rugy se souvient qu’en 2019, il avait porté un projet pour les passoires énergétiques à la vente avec la consignation d’un montant permettant de réaliser les travaux. Abandonné. Tout comme le recours à des opérateurs privés à l’instar d’Effy, plutôt qu’à un service public de rénovation énergétique confié à l’Anah.
Durant ces deux premières heures d’auditions, la politique de rénovation de ces dix dernières années est ainsi balayée avec le sentiment que cette rénovation a surtout manqué d’une volonté politique appuyée, davantage que des deniers publics. Parce qu’une obligation de rénovation risquait de se heurter à la résistance des citoyens, parce que certains dispositifs semblaient impopulaires, parce qu’on refusait à entrer dans une logique d’interdit, etc. Finalement, pendant quinze ans, on a procrastiné, on a repoussé au lendemain cette rénovation dont on savait pourtant, dès les années 2000, qu’elle s’imposait à nous.
Et quoi qu’ils aient fait … Que se passera t’il ? D’aucun penseraient ils qu’ils aient ne serait ce qu’une petite probabilité d’être puni … Doux rêve