
Par Me Damien Jost, avocat au barreau de Paris.
Le cabinet Damien Jost est spécialisé dans le domaine de l’immobilier. L’avocat est aussi un fin connaisseur du diagnostic immobilier, profession qu’il défend et accompagne depuis plus d’une quinzaine d’années.
Les assureurs pourront tous le confirmer, le capricorne reste l’une des stars de la sinistralité du métier du diagnostic immobilier. Étonnant diront certains, quand d’autres n’y verront qu’une fatalité biologique.
Et pourtant, ne s’agit-il pas de l’un des « autres agents de dégradation » dont la norme NF P 03-201 exige qu’il soit, lui aussi, mentionné au rapport ? (Et ce, uniquement au chapitre « constatations diverses »). Encore faut-il que rapport termite il y ait. Que faire lorsque le diagnostiqueur intervient dans le Massif Central (c’est-à-dire hors secteur termite) ?
Les sinistres nationaux montrent qu’en réalité, le capricorne est probablement, depuis longtemps, le grand oublié du diagnostic (voire de la vente). En effet, contrairement aux tribunaux et à leurs experts, les normes existantes ne paraissent pas accorder une grande importance à cet intrus.
Mais surtout, alors que les dommages qu’il provoque atteignent rapidement des sommes à 5 ou 6 chiffres, cet agent n’est que trop rarement identifié comme un danger majeur, appelant, comme tel, information, conseil, voire alerte.
Une affaire récente (CA Riom, 12 juin 2024, 23/00574) illustre les risques encourus par le professionnel – diagnostiqueur ou agent immobilier – qui n’aura pas su trouver les mots pour alerter, face à des signes manifestes d’infestation d’une charpente par le capricorne. Vente d’une ancienne ferme, présentée comme « saine » et « entièrement rénovée » par l’agent immobilier, qui remet à l’acquéreur les diagnostics obligatoires dans un secteur « hors termite ».
Après son emménagement dans les lieux, l’acquéreur perçoit des « bruits de grignotage » provenant de la charpente. Les artisans consultés lui annoncent que la charpente est sur le point de céder du fait d’une infestation par des ILX (Insectes à larves xylophages). Expertise et procès en présence de l’agent immobilier et du diagnostiqueur. L’un comme l’autre se voient condamnés, à part égale, à indemniser une perte de chance = à 70 % du montant des travaux (soit 30.000 € au total). L’agent immobilier s’est défendu en expliquant qu’il n’a pas à expertiser le bien.
Réponse des juges : les vices apparents (charpente affaissée, dégâts typiques sur le bois) ne pouvaient échapper à l’œil du négociateur. Dès lors, celui-ci était en mesure de percevoir le risque. Son devoir de conseil l’obligeait donc à en parler (or, au lieu de cela, l’agent a préféré vanter la rénovation intégrale des lieux).
Les juges ajoutent que l’agent ne peut rien reprocher au diagnostiqueur : point n’était besoin d’un diagnostic pour comprendre que la charpente était en danger.
Voici l’aspect de la charpente lors de l’expertise judiciaire :

Cette dégradation du bois, évidente, résulte de l’activité d’insectes du type « capricorne » (d’après l’expérience que les sinistres peuvent procurer). Face à une telle charpente, l’agent négociateur se doit donc, au minimum, de préconiser une vérification de l’état structurel du bois par un homme de l’art.
Côté diagnostiqueur, c’est également l’absence d’alerte qui a été fatale, et ce, même si aucun diagnostic termite (ou constat parasitaire) ne lui a été commandé. Selon les magistrats, face à une anomalie évidente (charpente affaissée, etc.), l’opérateur (disposant ici d’une formation « termite ») ne pouvait demeurer silencieux.
Reste à savoir comment devra s’opérer l’information. Du point de vue de l’opérateur, deux options sont envisageables (qui peuvent se cumuler) : soit insérer un avertissement dans la page de synthèse accompagnant le dossier de diagnostic, soit introduire un message d’alerte dans le mail d’envoi du DDT (du type : « le mauvais état apparent de la charpente nécessite la consultation d’un homme de l’art dans les plus brefs délais »).
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