600.000 passoires classées G, le spectre de l’hémorragie dans le parc locatif

Environ 600.000 passoires restent classées G et sont (à ce jour) en dehors des clous. De là à ce qu’elles soient retirées du marché locatif, on en est loin. Dans une récente note, l’Institut Sapiens agite cependant le spectre d’une hémorragie. Le think tank alerte sur les « effets pervers » de l’actuelle réglementation qui accentue la crise du logement.

Selon les estimations officielles, quelque 600.000 logements classés G demeurent actuellement sur le marché locatif. Autant de logements en dehors des clous depuis le 1er janvier puisqu’ils ne cochent plus la case de la décence énergétique.

Pour Bernard Cadeau, directeur de l’Observatoire logement au sein de l’Institut Sapiens, et ex-président du réseau immobilier Orpi, c’est 1,8 million de personnes qui risquent de se retrouver « à terme, sans logement ». Le discours est volontiers alarmiste : « dans un contexte d’extrême pénurie de logements disponibles, ajouter de la pénurie à la pénurie, n’est pas envisageable, et contreproductif et également dangereux pour l’équilibre économique et social de notre pays ».

L’hémorragie n’aura pas lieu

600.000 logements en moins, 1,8 million de personnes à la rue, nous sommes ici sur un pur scénario catastrophe. Peu crédible. Le parc locatif ne va pas se vider de toutes ses passoires en G, et encore moins du jour au lendemain. D’ailleurs, plus de deux mois après l’entrée en vigueur de l’interdiction de louer une passoire en G, personne n’a remarqué un retrait massif. Mi-janvier, SeLoger relevait encore 2,3% d’annonces de location avec une étiquette en G, mais aussi de nombreux biens sans étiquette, laissant supposer un nombre de passoires plus important encore.

Ce n’est pas parce qu’un logement est étiqueté G, qu’il est retiré du marché. Entre ce que dit la loi, et la réalité, il y a un large fossé. A en croire les enquêtes d’opinion, nombre de bailleurs ont d’ailleurs la ferme intention de continuer à louer sans réaliser de travaux. Combien ? Un gros tiers (36%) selon PAP qui a sondé 1.000 propriétaires en janvier, 27% selon le réseau Guy Hoquet. Dans les deux cas, la proportion apparaît significative.

Il y a ceux qui continuent à louer sans aucune rénovation, il y a aussi les bailleurs qui souhaitent réaliser des travaux quand ce n’est pas déjà fait. Le stock de passoires se dégonfle rapidement, selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, au 1er janvier 2024, la France comptait 500.000 logements en F et G de moins que l’année précédente. Preuve que les propriétaires rénovent massivement.

Et si on ajoute encore les nombreux propriétaires qui souhaitent vendre, finalement, le nombre de logements qui risquent de sortir du marché est réduit à la portion congrue : selon PAP seuls 7% des bailleurs entendent laisser leur bien vacant. On est donc loin de l’hémorragie annoncée. D’autant qu’une nouvelle proposition de loi déposée au Sénat en février promet des assouplissements pour les propriétaires de passoires en G.

Des solutions pérennes

A l’instar des précédentes tentatives pour adoucir le couperet de la loi Climat et résilience, la proposition de loi prévoit de circonscrire l’application de la décence énergétique uniquement aux nouveaux baux, aux renouvellements et aux reconductions tacites. Elle entend également accorder un sursis aux copropriétés et monopropriétés engagées dans une démarche de travaux. De quoi réduire, mécaniquement, le stock de passoires G en dehors des clous.

Ces solutions d’urgence sont bien entendu les bienvenues, mais l’Institut Sapiens préconise des solutions autrement plus durables : un moratoire calendaire et un nouvel agenda « calé sur notre propre agenda de réalisation des réhabilitations », un allégement de la fiscalité pour les bailleurs vertueux qui s’engagent dans des travaux de rénovations énergétique, et enfin, un « outil diagnostic énergétique et simulation post travaux » garantissant un « résultat non contestable, donc fiable ».

A défaut, le spectre d’une hémorragie dans le parc locatif n’a pas fini d’être agité dans les années qui viennent. Dès 2028, les passoires classées F dans le parc locatif connaîtront le même sort. Trois ans c’est court, très court, d’autant que les volumes ne sont pas du tout les mêmes. Alors qu’on parle de 600.000 logements classés G dans le parc locatif, on compte quelque 1,4 million de passoires en F.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire