
90% des échantillons ne contenaient pas d’amiante. En matière de repérage amiante, c’est monnaie courante puisque le diagnostiqueur ne peut souvent conclure à l’absence ou la présence d’amiante sans une analyse en laboratoire. Ce qui, forcément, fait gonfler la facture. Un bailleur social réclamait près de 600.000 euros au diagnostiqueur estimant que beaucoup trop d’échantillons se révélaient inutiles.
La mission portait sur la démolition de 145 logements au sein de trois immeubles. Le coût du repérage initial était plus que raisonnable: 11.250 euros. Mais avec les analyses en laboratoire la facture n’est plus du tout la même, on approche des 600.000 euros. Les fibres amiante ne se voient pas à l’œil nu, et sans prélèvements et analyses, l’opérateur ne peut souvent pas statuer sur la présence ou absence d’amiante.
90% d’analyses négatives
Le rapport remis en 2011 confirme la présence d’amiante « dans les enduits de plâtre et la peinture, dans des proportions très importantes ». Mission remplie ? Pour le bailleur social, la société de diagnostic a cependant failli à sa mission, le diagnostic n’est pas suffisamment complet et rigoureux. Surtout la facture lui semble exorbitante : l’organisme estime avoir subi un préjudice avoisinant 540.000 euros « consistant dans 90% des frais de prélèvements pour repérage d’amiante, qui étaient inexploitables ».
La cour administrative d’appel a cependant estimé que ces prélèvements ne contrevenaient pas au marché établi. La réglementation est claire, seul le diagnostiqueur peut arrêter le nombre de sondages, de prélèvements et d’analyses nécessaires pour un repérage nécessairement exhaustif dans le cadre d’une démolition. Et l’analyse est souvent un passage obligé. Le cahier des charges précisait bien que « lorsqu’un produit ou matériau est considéré comme ” étant susceptible de contenir de l’amiante “, le prestataire ne peut conclure à l’absence d’amiante sans avoir recours à une analyse. En cas de doute sur la présence d’amiante, le prestataire détermine les prélèvements et analyses de matériaux nécessaires pour conclure sur la présence éventuelle d’amiante ».
Amiante et multicouches
Ce qui ne signifie pas pour autant que le diagnostiquer peut démultiplier les analyses à l’infini pour les facturer à son client. « Il définit les zones présentant les similitudes d’ouvrage afin d’optimiser les investigations à conduire en réduisant le nombre de prélèvement qui seront transmis pour analyse. » rappelle la cour administrative. Cette notion de ZPSO constitue d’ailleurs la pierre angulaire de la norme NF X 46-020 revue et corrigée en 2017 et son application rigoureuse permet justement d’optimiser le nombre de sondages et prélèvements.
Le nombre de prélèvements n’est donc pas remis en cause. Néanmoins, la cour administrative d’appel estime que le diagnostiqueur n’est pas allé suffisamment loin en oubliant de distinguer les couches dans différents matériaux. « La société X s’est abstenue de distinguer, comme les spécifications précitées du cahier des charges le lui imposaient, les différentes couches de revêtement prélevées, et s’est bornée à relever, dans le diagnostic (…), de façon générale, la présence d’amiante dans les peintures et enduits, alors que l’identification exacte du matériau contenant de l’amiante était soumise aux différents protocoles contractuels, plus ou moins invasifs, de désamiantage ».
Résultat, ce manque de distinction dans les différentes couches dans les échantillons prélevés a pu entraîner des travaux de désamiantage plus complexes et, donc, plus coûteux. « S’il avait pu être déterminé que l’amiante n’était présente que dans les couches superficielles, les travaux de désamiantage auraient pu être moins onéreux », relève la cour d’administrative.
La société de diagnostic s’en tire toutefois à bon compte, puisque le bailleur social n’avait pas demandé l’indemnisation du surcoût résultant de ces travaux. Mais l’expertise ayant confirmé les lacunes dans sa mission, il devra néanmoins supporter les frais d’expertise pour un coût de plus de 18.000 euros.
Cour administrative d’appel de Lyon – 4ème chambre – 16 janvier 2025.
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