La maison sera démolie et reconstruite, le diagnostiqueur et l’agent immobilier se partagent la facture

Qu’est-ce qu’il y peut l’agent immobilier s’il y a de l’amiante dans le bien? S’il n’est pas expert de la construction, il doit cependant rester vigilant sur le sujet. En particulier, lorsqu’il se trouve face à un pavillon préfabriqué sorti de terre à l’époque du tout-amiante. Parce qu’il a manqué à son devoir de conseil et d’information, l’agent immobilier est condamné avec le diagnostiqueur.

Négatif. Le rapport établi en 2014 au moment de la vente de ce pavillon de Noisy-le-Grand concluait à l’absence d’amiante. Les acquéreurs ne tarderont pas à découvrir que dans ce pavillon de type “Mondial Pratic”, l’amiante est bien présent. La maison en est même truffée: dans les murs de façade, dans les dalles thermoplastiques, dans les conduits d’évacuation des gaz brûlés et dans la toiture dans sa totalité.

Impossible d’aménager ou de réaliser les moindres travaux sans engendrer des surcoûts directement liés à l’amiante. L’expert judiciaire a d’ailleurs conclu au caractère “inhabitable” de la maison, parce que “la présence d’amiante empêche même les travaux les plus ordinaires nécessaires à l’entretien et à la vie courante” .

Le diagnostiqueur ne peut se contenter d’un examen visuel

Comment le diagnostiqueur a-t-il pu passer à côté? Devant la cour d’appel de Paris, en septembre 2021, le diagnostiqueur évoque des matériaux “inaccessibles” à moins de pratiquer des sondages destructifs, ce qui, bien sûr, reste difficilement envisageable dans le cadre d’une vente.

L’argument a été balayé par les experts en appel. Les combles étaient bel et bien accessibles à l’aide d’un escabeau “que le diagnostiqueur n’avait pas pris la peine d’apporter”, de même l’amiante dans les murs de façade restait visible depuis les grilles d’aération extérieures… Au passage, la cour d’appel de Paris a rappelé que l’opérateur de repérage ne peut se contenter d’un simple examen visuel. Même en cas de vente, il doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission. Comme tester la résistance de plaques susceptibles de contenir de l’amiante ou pratiquer des sondages sonores.

Sans surprise, le diagnostiqueur est donc condamné. Mais comme souvent, les acquéreurs cherchent aussi la responsabilité de l’agent immobilier. Qui peut-il, lui, s’il y a de l’amiante dans ce pavillon? L’agent immobilier se réfugie derrière le diagnostiqueur qu’il a mandaté. Son rapport était négatif, en tout état de cause, cela évacuait toute crainte au sujet de l’amiante. Après tout, un agent immobilier n’est pas un professionnel de la construction.

Préfabriqué des années 1970-80 = risque amiante

Oui, mais il reste un professionnel de l’immobilier. Et les acquéreurs lui reprochent de ne pas les avoir informés des caractéristiques réelles du bien, de la nature “préfabriquée” du bâtiment. Compte tenu de l’année de construction et de son mode de construction, il y avait de fortes présomptions qu’il ne contienne de l’amiante.

La Cour de cassation estime en effet que l’agent immobilier devait être plus vigilant. “(Il) ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison de type “Mondial Pratic”, procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l’amiante, et que c’est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l’acquéreur avait été informé de la possible présence d’amiante.” La seule date et le type de construction que l’agent immobilier était tenus de mentionner dans la promesse de vente, aurait dû lui mettre la puce à l’oreille.

L’agent immobilier est donc condamné avec le diagnostiqueur. En première instance, les acquéreurs avaient obtenu 116.000 euros. La cour d’appel avait revu le préjudice à la hausse, la Cour de cassation confirme. On ne peut se contenter d’une simple perte de chance, la réparation du préjudice est intégrale. Entre les travaux de désamiantage, la démolition, le financement des travaux de reconstruction de la maison et la perte de jouissance, le diagnostiqueur et l’agent immobilier devront verser 186.000 euros: 85% pour le diagnostiqueur, 15% pour l’agent immobilier.

Cour de cassation, 16 mars 2023, troisième chambre civile, n° 21-25.082.

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