DPE : tout le monde en parle, qui le connaît ?

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Grande messe annuelle du diagnostic immobilier, les RVDI (Rendez-vous du diag immo) jeudi dernier, étaient l’occasion de prendre le pouls de la profession. Juste au lendemain des annonces fracassantes de la ministre. Si la profession dans son ensemble approuve plutôt les sanctions à l’encontre des diagnostiqueurs qui font mal leur boulot, elle doute souvent de l’efficacité de certaines mesures. Pour que le grand public fasse enfin confiance au DPE, il faudra plus que de simples contrôles.

La profession semble un peu groggy. La réforme de la certification DPE avec ses surcoûts n’est même pas digérée, qu’on lui promet déjà des contrôles supplémentaires. Et donc encore de l’argent à sortir dans une conjoncture immobilière qui n’est pas vraiment à la fête.

Sur le fond, tout le monde est d’accord. Les diagnostiqueurs qui n’ont toujours pas saisi l’enjeu du DPE, qui pratiquent des prix au ras des pâquerettes et jouent avec les étiquettes énergétiques n’ont rien à faire dans le métier. Circulez. Tant pis s’ils n’ont pas compris que le diagnostic avait sacrément évolué en l’espace de quelques années. Qu’une minorité de diagnostiqueurs vienne ternir l’image de toute une profession n’est plus tolérable.

Overdose de contrôles

Si on rentre dans le détail du paquet des mesures, on s’interroge en revanche. Des contrôles supplémentaires ? D’accord pour un contrôle automatisé opéré par l’Observatoire du DPE afin de détecter les grosses incohérences comme ces diagnostiqueurs qui réalisent bien trop de diagnostics au quotidien pour être pris au sérieux. On en parlait déjà depuis des années. Mais des contrôles des certificateurs pour lesquels tout le monde devra encore payer, les diagnostiqueurs et leurs fédérations n’en veulent plus. On frise l’overdose.

En conférence, jeudi, plusieurs intervenants ne cachaient pas leur scepticisme, ajouter des contrôles sur site ne changera rien. La certification a été réformée en 2012, puis en 2020, puis encore en 2024 juste pour le DPE, les contrôles ont été démultipliés, et cela n’est pas pour autant que les mauvaises pratiques ont été éradiquées. Le pseudo-remède pourrait d’ailleurs faire plus de mal que de bien : ces contrôles coûtent cher, et ils risquent de fragiliser davantage des entreprises parfois en difficultés. Dans le sillage d’un marché immobilier qui a considérablement chuté, nombre de cabinets ont déjà fermé leurs portes en 2024.

En revanche, la création d’un ordre garant de la déontologie et susceptible de sanctionner les « mauvais » diagnostiqueurs retient davantage l’attention. La proposition fait écho à un souhait vieux de 20 ans (au moins) : une profession avec un ordre, c’est forcément une profession que l’on prend au sérieux. L’impartialité et l’indépendance du diagnostiqueur en sortiraient renforcées.

Pour le moment, rien n’est gagné. Quelle sera la gouvernance de cet ordre ? Quelles seront ses prérogatives ? Comment s’articulera-t-il avec les organismes de certification actuels ? La mission parlementaire doit se prononcer sur le sujet et remettre sa copie au gouvernement. On n’y est pas encore, cet ordre ne reste encore qu’une simple intention. Et même côté diagnostiqueurs, beaucoup n’osent y croire, tant depuis 25 ans, cet ordre apparaissait comme une chimère.

DPE, le malentendu persistant

Oui, les diagnostiqueurs rencontrés au lendemain des annonces ministérielles semblent parfois un peu las. Cette nouvelle fiabilisation annoncée est aussi un peu (beaucoup ?) un exercice de communication en réponse au reportage de Complément d’enquête diffusé jeudi sur France2. Comme l’enquête de 60 Millions de consommateurs avait déjà déclenché un plan d’actions en 2022, comme un autre article de la presse consumériste avait motivé la réforme du DPE en 2019… Et d’autres encore avant. Un reportage un peu plus saignant que d’autres fait déborder le vase, derrière le ministère déclenche un énième plan de fiabilisation du DPE, les diagnostiqueurs y sont accoutumés.

Qu’on se le dise, le reportage de Complément d’enquête n’est malheureusement pas le dernier du genre. Le diagnostiqueur est devenu un trop bon client. Que peut le diagnostic, avec seulement 10.000 certifiés face au rouleau compresseur médiatique qui a rangé le diagnostiqueur souvent au rang d’incompétent et parfois même avec un éthique à géométrie variable ?

Faire le ménage, et sortir la faction de diagnostiqueurs qui n’a toujours pas compris l’enjeu du DPE, est bien sûr nécessaire. Mais ce ne sera sans doute pas suffisant pour restaurer la confiance dans ce DPE. Restaurer ? Soyons honnêtes, le mot n’est pas juste: instaurer serait plus approprié, tant le DPE a toujours été ciblé par la critique et n’a jamais vraiment inspiré la confiance.

Depuis 2006, le diagnostic demeure victime d’un malentendu. A quoi sert le DPE ? Quelle est sa vocation ? Que peut-on légitimement attendre d’un diagnostic à 150-250 euros ? Les abondantes critiques autour des effets de seuil des étiquettes montrent combien ce diagnostic n’est toujours pas compris comme une estimation (une estimation, on insiste) de la performance énergétique. Oui le DPE a encore besoin d’être expliqué, et peut-être plus qu’une énième avalanche de contrôles, il a besoin de pédagogie -de beaucoup de pédagogie- pour corriger son image.

Dans ce chantier énorme, les pouvoirs publics doivent prendre leur part puisque le DPE est devenu un outil d’intérêt public. Pourtant la pédagogie officielle reste discrète et la communication ministérielle se fait aujourd’hui essentiellement en réaction. Bientôt vingt ans après sa naissance, il est peut-être temps que le discours officiel explique au grand public -et peut-être aussi à certains professionnels de l’immobilier- ce qu’est réellement le DPE.

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