L’amiante n’est plus un souci pour l’Assemblée nationale

Amiante danger

Le petit coup de canif est presque passé inaperçu. Le groupe de travail dédié à l’amiante à l’Assemblée nationale n’existe plus. Après 20 ans d’existence, il vient d’être supprimé. Une décision à haute valeur symbolique qui sonne comme un nouvel affront aux yeux des victimes de l’amiante. Comme une énième tentative pour enterrer ce problème amiante qui reste pourtant d’actualité.

La décision a été officialisée juste avant les fêtes. Le groupe de travail amiante qui n’avait pas été reconstitué après la dissolution, est purement et simplement supprimé. Pour quelle raison ? « Nous n’avons pas d’explication », regrette Alain Gueret, président de la Cavam, collectif regroupant 24 associations de victimes de l’amiante à travers la France.

Jusqu’à présent, l’Assemblée nationale comptait une bonne soixantaine de groupes de travail divers et variés, il a été décidé de réduire la voilure, l’amiante fait partie des sacrifiés. Alain Gueret ne comprend pas ce choix. « Ce n’est pas économique, puisque que ces groupes ne sont dotés d’aucun budget de fonctionnement. » Ce n’est pas par manque de volontaires non plus, puisque selon le président de la Cavam, nombre de députés souhaitaient y participer à nouveau.

Une pétition avec plus de 8.000 signatures a aussitôt été lancée. Car si certains groupes de travail avaient des allures de coquille vide, celui de l’amiante, transpartisan, fonctionnait plutôt bien. Aucun pouvoir décisionnel, mais il assurait un lien entre les associations de l’amiante et les députés. « Nous étions régulièrement consultés. Ce groupe de travail permettait de faire remonter des informations, de mener des échanges mais aussi de sensibiliser des députés parfois béotiens sur le sujet », poursuit Alain Gueret.

En témoigne la proposition de création d’un Pôle public d’éradication de l’amiante, portée de longue date par la Cavam, et relayée par plus de 80 parlementaires à travers leurs questions ou des propositions de lois. Il avait aussi permis de porter des solutions de neutralisation de l’amiante, solutions aujourd’hui marginalisées puisque plus de 95% des déchets amiante continuent à être enfouis aux bons soins des générations futures. Même sans pouvoir quelconque, le groupe de travail servait la cause amiante en offrant un relai aux associations. « Au moins, au sein de l’Assemblée nationale, on continuait à parler d’amiante et à relayer les propositions des associations. »

L’omerta de l’amiante

Pour Alain Guéret, cette suppression du GT Amiante envoie un bien mauvais signal. Cette décision témoigne, une fois de plus, d’une volonté d’enterrer l’amiante. « Nous avons eu la suppression du comité de suivi amiante au Sénat, le désengagement de Santé publique France du dispositif de suivi du mésothéliome, la tentative de fondre le Fiva (Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante) avec l’Oniam, les procédures judiciaires qui n’aboutissent jamais… Il y a un consensus pour mettre le couvercle sur la marmite et donner le sentiment que l’amiante appartient au passé. »

Le sentiment est pourtant trompeur, le danger est toujours là. Si l’amiante est interdit depuis 1997, on est bien loin d’en avoir fini avec toujours 2.000 à 3.000 décès chaque année, et vraisemblablement des milliers et des milliers d’expositions qui se poursuivent. Des millions de tonnes dorment toujours dans le bâtiment et chaque jour qui passe, ces matériaux subissent les affres du temps augmentant le risque d’exposition. Dans l’habitat comme dans les bâtiments publics.

Les quelques bribes de la récente enquête menée par l’Éducation nationale montrent combien la problématique demeure prégnante dans les écoles, avec très vraisemblablement des situations d’exposition. L’enquête ne fait pourtant que confirmer ce que tout le monde savait déjà depuis 2016, et pourtant rien n’a vraiment bougé. « L’amiante est une patate chaude que tout le monde se refile. On a le sentiment d’une omerta et d’un immobilisme total », déplore Alain Gueret.

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