Les passoires thermiques dans le flou

L’info revient en boucle en ce début d’année. Puisque les logements avec un DPE en G ne répondent plus aux normes de décence énergétique, ils ne peuvent plus être loués. Oui, mais seulement si on applique stricto sensu la réglementation d’aujourd’hui. Des assouplissements ont pourtant été annoncés, à plusieurs reprises, mais rien n’a bougé.

C’est un raccourci très usité ces derniers jours : les logements en G sont désormais interdits à la location. Pourtant à proprement parler, il n’existe aucune interdiction de louer. La loi (Climat et résilience) impose à chaque logement du parc locatif, privé ou social, d’avoir une étiquette F au pire, depuis le 1er janvier 2025. A partir de là, la réglementation sur la décence s’applique, le locataire peut éventuellement saisir le juge, mais aucune sanction systématique n’est prévue pour les logements classés G. La nuance a son importance.

Ça c’était ce qui était prévu en 2021. Le législateur pouvait alors se montrer optimiste, le contexte a bien changé, la crise du logement est passée par là. Depuis trois ans, le petit monde de l’immobilier dénonce une mesure irréaliste et un timing trop étriqué. Selon les dernières statistiques officielles, même si le nombre de passoires thermiques a considérablement baissé au cours des dernières années, il demeure environ un demi-million de logements étiquetés G. En pleine crise du logement, difficile de s’en passer.

Début 2024, le gouvernement de l’époque avait promis des assouplissements. Plutôt que d’appliquer la loi indifféremment à tous les logements G, la décence énergétique serait activée uniquement en cas de changement de locataire, éventuellement en cas de renouvellement de bail et de reconduction tacite. Deuxième mesure d’assouplissement, les bailleurs bénéficieraient d’un sursis supplémentaire (de l’ordre de deux à trois ans) lorsque la copropriété s’est engagée dans une démarche de travaux.

Les annonces ne se sont pas concrétisées et ces assouplissements sont désormais portés par une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale en novembre. Problème, ce n’est pas la seule urgence du moment et le texte ne sera examiné par les députés en première lecture que fin janvier. Autant dire que la loi ne devrait pas arriver avant le printemps, laissant les propriétaires de passoires thermiques dans le flou total.

Du G ? Pas chez moi

La situation est d’autant plus confuse que beaucoup de passoires thermiques passent encore sous les radars. Encore faut-il savoir que l’on habite un logement en G. C’est une constante dans les enquêtes d’opinion, si tout le monde a (beaucoup) entendu parler de DPE, paradoxalement la moitié des Français ignore encore l’étiquette de son logement.

Propriétaires occupants ou locataires, les Français ont cette fâcheuse tendance à surévaluer la performance énergétique de leur bien. Home sweet home, on voit notre logement mieux qu’il ne l’est en réalité. Dernier exemple en date, selon le baromètre du groupe BPCE, seulement 17% des Français pensent habiter un logement en E, F ou G. On est loin du compte, ces trois étiquettes pèsent en effet 37% du parc.

En fait, tous les logements sont encore loin de disposer d’un DPE. D’abord parce que beaucoup de locations dans le parc privé, de particulier à particulier, restent en dehors des clous sans qu’aucun diagnostic ne soit produit. Deuxièmement, le locataire est parfois entré dans les lieux avant l’avènement du DPE en 2006-2007.

Le locataire peut fort bien réclamer le DPE lors de la reconduction tacite ou du renouvellement du bail, mais entre la théorie et la pratique, il y a souvent un large fossé. Finalement, un peu comme cette interdiction de location des passoires classées G qui fait beaucoup de bruit, mais qui risque d’être suivie de peu d’effets.

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