
Même s’il n’a pas introduit l’amiante dans le bâtiment, le diagnostiqueur peut être condamné à la réparation intégrale et à la prise en charge du désamiantage. Parce qu’il n’a pas repéré le matériau ou le produit en place, ou juste parce qu’il n’a pas émis suffisamment de réserves dans son rapport.
Dans cette vente conclue en 2016 en région parisienne, le diagnostic amiante est positif. L’opérateur mentionne des plaques en fibrociment dans le local piscine, des ardoises sur la toiture de l’habitation et une partie des dépendances. Un an après la vente, les propriétaires souhaitent réaliser des travaux. Nouveau diagnostic, donc, plus exhaustif cette fois puisque nous sommes dans un contexte travaux. Verdict? Le diagnostic avant-vente n’avait pas tout dit, l’amiante est aussi présent au niveau d’un conduit de cheminée et dans les revêtements de sols de deux pièces.
La question est de savoir si cet amiante pouvait être repéré avec un simple examen visuel, sans sondages destructifs. Oui, affirment les propriétaires qui aimeraient bien que le diagnostiqueur prenne à sa charge les 35.000 euros, montant estimé pour la dépose des matériaux incriminés. Pour le diagnostiqueur et son assureur, en revanche, cet amiante ne pouvait être révélé sans sondage destructif: aucune des pièces de la maison ne comportait un sol revêtu de dalles vinyle lorsque l’opérateur est intervenu. “A l’évidence les anciens revêtements linoléum étaient recouverts de moquette plus récente, de sorte que le diagnostiqueur ne pouvait y accéder ni en connaître l’existence.” Et pour le conduit de cheminée? Idem, le diagnostiqueur soutient que le conduit n’était pas visible, et qu’il s’agissait peut-être d’une cheminée à foyer fermé.
Désamiantage punitif
Dans son rapport, l’opérateur a pris soin d’indiquer, “de manière détaillée”, tous les revêtements visibles. Il souligne également le caractère non exhaustif du repérage et la nécessité de réaliser un nouveau repérage en cas de travaux. Pas suffisant selon la cour d’appel qui y voit là des réserves d’ordre général. “L’existence d’une moquette devait conduire (la société de diagnostic) a émettre des réserves, le sol recouvert par cette moquette ne pouvant être inspecté.” Oubli ou négligence, les conséquences sont fâcheuses, car “cette absence de réserves a laissé croire à l’acquéreur que le contrôle avait été exhaustif et n’avait pas montré la présence d’amiante que dans les endroits consignés au rapport”.
Et puisque les acquéreurs parviennent aussi à démontrer que le conduit de cheminée était accessible, photos à l’appui, la cour d’appel retient la faute du diagnostiqueur. Reste à estimer le préjudice. Pour le diagnostiqueur et son assureur, celui-ci doit se limiter au surcoût induit par l’amiante et non au désamiantage total. D’autant que les matériaux incriminés ne présentent pas de danger immédiat pour la santé des occupants et ne nécessitent pas leur retrait.
Malheureusement pour le diagnostiqueur, la cour d’appel de Versailles suit la jurisprudence du 8 juillet 2015, douloureuse pour la filière. “La certitude du préjudice de l’acquéreur est caractérisée du fait de la présence d’amiante, même s’il n’est prouvé aucun danger sanitaire pour les occupants de sorte que le préjudice de l’acquéreur correspond alors au coût des travaux de désamiantage.” Le jugement de première instance est donc confirmé, et le diagnostiqueur condamné à prendre à sa charge l’intégralité des travaux de dépose des dalles vinyle et du conduit de cheminée, estimés à 35.000 euros.
Cour d’appel de Versailles, 1re chambre, 1re section, 20 juillet 2021, n°19-05321.
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