Le DPE a été réformé en 2021 afin de le rendre totalement fiable et opposable. Histoire que les pouvoirs publics puissent (enfin) s’appuyer dessus et lui adosser, par exemple, les interdictions de location de passoires. Mais moins de deux ans après, le DPE essuie de nombreuses critiques. Entre les exigences de l’Europe, la pression médiatique et la pression des acteurs du patrimoine, trois raisons qui pourraient pousser le gouvernement à revoir, encore, le DPE.
1. Parce que le DPE n’inspire toujours pas confiance
La réforme de 2021 fruit de deux années de travail, était censée rétablir la confiance dans ce diagnostic. Moins de deux ans plus tard, l’image du DPE reste pourtant fortement dégradée. C’est qu’avec ce nouveau pouvoir de censure dont il jouit, le diagnostic bénéficie d’une audience inédite. Bien au-delà de la presse consumériste qui en avait depuis longtemps fait sa cible, on ne compte plus les enquêtes, études et autres reportages à sensation pour dénoncer le manque de fiabilité du DPE.
Il y a le feu à la maison, la fondation même de la politique de rénovation énergétique placée sur orbite par Climat et résilience est menacée. Courant janvier, l’UNPI (Union nationale des propriétaires immobiliers) a lancé une pétition à destination d’Élisabeth Borne, dénonçant le manque de fiabilité du DPE: comment peut-on faire reposer des mesures aussi lourdes (gel des loyers, interdictions de location…) pour les propriétaires immobiliers quand le DPE n’apparaît toujours pas fiable?
Le plan d’action amorcé au printemps 2022 par le ministère de la Transition écologique et qui devrait se concrétiser presqu’un an plus tard, ressemble à un cataplasme sur une jambe de bois. Une formation en ligne de quelques heures pour sensibiliser les diagnostiqueurs au DPE, une harmonisation des pratiques des organismes certificateurs, ces actions sont sans doute bénéfiques mais restent inaudibles du consommateur qui a besoin d’un signal fort pour restaurer l’indispensable confiance dont a besoin le DPE.
2. Parce que l’Europe songe aussi à faire évoluer le DPE
Le DPE répond aussi à une obligation européenne imposée à chaque État membre. Justement, la révision de la Directive européenne sur la performance énergétique (DPEB) doit aboutir en 2023. Après le travail mené par le parlement et la Commission européenne en 2021-2022, de nouvelles discussions sont attendues en mars.
Rien n’est joué à ce jour, mais le contexte de crise énergétique et de réchauffement climatique est sans doute davantage favorable à un durcissement qu’à un assouplissement. Dans sa dernière mouture, le projet de directive prévoit quelques évolutions majeures en matière de DPE : nouvelles classes énergétiques A0 (pour les bâtiments à émissions nulles), mises à jour du diagnostic quand des éléments individuels sont modernisés dans le bâtiment, extension de l’obligation du DPE à tous les bâtiments publics sans limites de surface, etc. La directive annonce également “un dispositif de contrôle indépendant” pour veiller à la qualité du DPE alias le certificat de performance énergétique dans le vocabulaire européen.
L’articulation avec l’audit énergétique pas toujours très claire, disons-le, dans l’esprit des professionnels de l’immobilier est aussi évoquée. Car si l’audit énergétique ou passeport de rénovation dans le jargon de Bruxelles est une obligation de la directive, celle-ci laisse la possibilité de fondre les deux en un à certaines conditions : « Les États membres peuvent décider d’autoriser l’intégration du passeport de rénovation dans le certificat de performance énergétique à des fins déterminées, notamment dans le cadre de travaux de rénovation importants ou pour recevoir un soutien financier ».
3. Parce que le DPE n’est pas adapté à tous les bâtiments
C’est une critique qui revient souvent. Comme quoi l’actuel DPE ne serait pas adapté au bâti ancien. Rien de nouveau sous le soleil, jusque 2021, les pouvoirs publics estimaient que la méthode conventionnelle ne collait pas pour tout ce qui avait été construit avant 1948. La réforme est passée par là, exit la méthode sur factures, quelle que soit l’année de construction du bâtiment, la méthode est désormais la même, mais le débat est loin d’être clos. En témoigne une toute récente question parlementaire : mi-février, la sénatrice Else Joseph (Ardennes, Les républicains) interpellait le gouvernement sur cette question du bâti dans l’ancien.
La critique est aussi récurrente du côté des acteurs du patrimoine. Car si les monuments historiques sont exemptés du DPE, bon nombre de bâtiments avec une valeur architecturale indiscutable y restent assujettis. On pense notamment à l’Haussmannien qui abrite de très nombreux logements. Au Sénat où se tenait une table ronde, en début de mois, pour évoquer la transition écologique dans le bâti ancien, il a ainsi été évoqué la nécessité d’adapter le DPE au bâti ancien afin qu’il prenne aussi en compte la valeur patrimoniale.
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