Neuf ans après, la mérule fait annuler la vente d’un appartement

Les condamnations en matière de mérule sont souvent douloureuses. Ce dernier arrêt rendu par la cour d’appel de Douai n’y échappe pas. Neuf ans après avoir acheté un appartement, une acquéreuse obtient l’annulation pure et simple de la vente.

Au moment de signer en 2014, le champignon restait invisible. L’expert est formel, seule une expertise “consistant en un sondage du revêtement des sols, des doublages des murs et du plancher aurait pu lui permettre de découvrir l’existence du champignon”. En d’autres termes, il aurait fallu au moins un état parasitaire. Mais dans le Nord comme ailleurs en France (à l’exception de quelques communes du Finistère), ce diagnostic reste purement facultatif. Dommage.

La question est donc de savoir si l’infestation existait déjà avant la transaction, et si la SCI qui a vendu l’appartement en avait connaissance. Pour l’acquéreuse, aucun doute, elle savait pertinemment que la mérule était présente. L’acquéreuse estime que le vice “lui a été sciemment caché lors de la signature du compromis de vente par une mention du vendeur précisant qu’à sa connaissance, l’immeuble n’était pas contaminé par des champignons de type mérule ou autre”. Le rapport de l’expert confirme. Car des travaux ont bien été menés dans la salle de bain et “les traces de la mérule ont été effacées”.

Le risque mérule signalé trois ans avant la vente

Deux ans auparavant, une société était intervenue pour réparer une fuite au niveau de la baignoire: le joint n’assurait plus l’étanchéité et laissait s’écouler l’eau. Dans le Nord, région propice au développement du champignon, tout désordre hydrique appelle à la méfiance. La société intervenue à l’époque avait rempli son devoir de conseil en mentionnant le risque “d’un champignon de type mérule qui peut entraîner beaucoup de dégâts surtout au niveau des bois”.

Un spécialiste en matière de mérule interviendra à son tour. Sans déceler “une pathologie visible”, cet homme de l’art invite le propriétaire et le syndic à le solliciter de nouveau pour mener des investigations plus approfondies à l’occasion de prochains travaux. Une recommandation non suivie, malheureusement. “La mission de la société X n’a donc pas été menée à son terme et celle-ci n’a pu effectuer qu’un constat d’absence de pathologie visible, sans démontage du revêtement de sol masquant le plancher, estime la cour d’appel de Douai. Les conclusions de cette société n’écartent pas donc pas de manière certaine la présence de mérule et suggèrent au contraire des investigations complémentaires, pour lesquelles elle n’a pas été mandatée.”

La faute revient donc au vendeur qui, alerté d’un risque, n’a pas mené les investigations jusqu’au bout. Pour l’expert judiciaire, si la mission avait été jusqu’à son terme, le revêtement de sol, les doublages, le plancher auraient été sondés et une autre arrivée d’humidité aurait été détectée au rez-de-chaussée, à l’endroit même où l’acquéreuse repérera plus tard la mérule.

Plus de 350.000 euros à restituer

Pour la cour d’appel, l’appartement vendu était atteint “d’un vice caché le rendant impropre à sa destination”. Mais contrairement au premier juge, la cour d’appel de Douai estime que la clause de non-garantie des vices cachés ne peut fonctionner, puisque le vendeur était informé d’un risque mérule, et n’a pas mené les investigations à leur terme. La SCI qui a vendu ce lot de copropriété devra donc réparer l’intégralité du préjudice subi par l’acquéreuse.

La cour d’appel prononce donc la résolution de la vente. En clair, le vendeur récupère son appartement et restitue le produit de la vente. L’opération est loin d’être blanche, car il devra aussi indemniser l’acquéreuse de ses différents frais et préjudices: restitution des frais d’agence (7.000 euros), restitution des frais de notaire (13.390 euros), frais au titre du prêt immobilier (près de 20.000 euros), frais au titre de la copropriété (8.400 euros), trouble de jouissance (72.000 euros) puisque l’acquéreuse ne pouvait occuper son logement et a dû se reloger, préjudice moral (10.000 euros), frais d’assurance, frais de déménagement, taxes foncières, frais de justice… L’addition est salée, au total, la SCI devra verser plus de 350.000 euros pour un appartement vendu en 2014 à 193.000 euros.

Cour d’appel de Douai, 19 janvier 2023 n° 21-00713.