Gare au vendeur qui aurait vu la mérule chez lui, mais qui se garderait d’en informer l’acquéreur. Dix ans après que l’acte ait été signé, la cour d’appel de Caen annule la vente et condamne lourdement l’ancien propriétaire.
La vente remonte à 2012. Mais comme souvent, c’est au moment des travaux que les nouveaux propriétaires découvrent la présence de l’indésirable champignon. L’expert est formel, l’infestation ne date pas d’hier, antérieure même à la transaction. “Compte tenu de l’état des solives constituant le plancher, l’infestation de champignons lignivores était ancienne”. “Il était certain qu’il était déjà présent dans l’immeuble lors des travaux de doublage, chauffage, sanitaire réalisés fin 1988, début 1989, quand bien même le champignon aurait à cette époque végétatif”, note l’arrêt. La machine judiciaire se met en branle, en 2016, les acquéreurs poursuivent leurs vendeurs et réclament l’annulation pure et simple de la vente.
Les vendeurs invoquent la clause d’exclusion de garantie figurant dans l’acte de vente. En clair, ils n’avaient aucune connaissance de l’infestation mérule. La cour d’appel de Caen rappelle toutefois qu’une “telle clause est valable sauf pour l’acquéreur à démontrer la mauvaise foi de son vendeur et donc la connaissance par lui des vices cachés”.
Cocktail humidité + température + confinement + obscurité
L’expert a identifié les causes. On dirait presque un cas d’école, la mise en œuvre d’un doublage sans lame d’air a favorisé le développement du champignon. “Concernant l’infestation importante dans les doublages, elle provient de la présence ancienne d’un champignon dans les murs, linteaux et abouts de plancher. Cette présence a été suractivée par la mise en place de doublages collés et non ventilés. La présence de ces doublages non ventilés favorise une infestation généralisée de la mérule. En effet le cocktail humidité + température + confinement + obscurité est la garantie d’une prolifération de ce champignon.”
L’infestation n’est pas liée à un défaut d’entretien, mais à la méconnaissance des règles de l’art lors des travaux en partie effectués par les vendeurs. Peut-on reprocher à des non-professionnels de ne pas avoir mis correctement en œuvre les matériaux? Les vendeurs tentent de se retrancher derrière leur connaissance insuffisante des méfaits de la mérule lors des travaux menés dans les années 1988-1989. Mais pour l’expert, aucun doute, ils avaient connaissance de l’infestation. Son rapport évoque ainsi le changement d’un sol vinylique ou la présence de mousse polyuréthane dans le sol attestant que les vendeurs n’ont pu passer à côté des dégâts provoqués par le champignon.
Pour la cour d’appel, la mauvaise foi des vendeurs est prouvée. Elle confirme donc le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen. L’addition est salée pour les vendeurs. Non seulement, ils doivent restituer le prix de la vente (100.000 euros), mais aussi rembourser les acquéreurs des frais liés à la vente (18.000 euros), des frais de déménagement (2.200 euros), des travaux effectués par les acquéreurs (27.800 euros), des impôts fonciers… Ajoutons le préjudice de jouissance et le préjudice moral, les vendeurs devront finalement ajouter près de 70.000 euros au prix de vente du bien.
CA Caen, 1re ch. civ., 18 janv. 2022, n° 20/00187.
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