Le DPE a besoin de stabilité, mais il a aussi besoin d’améliorations

DPE

Indispensable, mais pas indiscutable. Le DPE est devenu le mètre étalon de la rénovation énergétique, « l’instrument de mesure retenu par les pouvoirs publics pour piloter les politiques visant à accélérer et massifier la transition énergétique », mais pour l’Anil (Agence nationale pour l’information sur le logement), comme d’autres avant, le diagnostic comporte encore quelques biais. Il a donc besoin d’évoluer, mais en même temps, il a aussi cruellement besoin de stabilité. Dilemme.

Sa mission a changé. Le DPE continue à informer et sensibiliser les populations comme il l’a toujours fait depuis 2006. Plus que jamais même, puisque selon l’enquête de l’Anil, il est perçu « comme une information utile (55 % du panel) et comme un outil pour réduire les dépenses énergétiques (34 % du panel) à la vente/location ». Mais en plus, on lui demande aujourd’hui de définir les priorités de rénovation de bâtiments, voire même de conditionner les aides à la rénovation. Sacrée évolution en l’espace de trois ans. Indispensable à la bonne conduite des politiques publiques, le DPE doit cependant être stabilisé « durablement » selon l’Anil. Pour soigner le logement, on ne peut pas changer le thermomètre sans cesse. Car les variations de méthodes ne sont pas sans influence sur les classements des biens.

Dans son étude, l’Anil revient ainsi sur la réforme de la méthode de calcul à l’été 2021 qui a entrainé « la classification de 100.000 logements supplémentaires comme étant F ou G dans le parc social en 2023 ». « Ces changements de calcul élèvent le taux de passoires énergétiques dans le parc social de 4 à 6 %. » 2% de logements à rénover en plus dans un calendrier étriqué, ça n’a rien d’anodin et pour le logement social cela amène à revoir la copie. Un autre exemple pourrait être la réforme des petites surfaces attendue pour le 1er juillet, qui à l’inverse devrait se solder par 140.000 passoires de moins.

Biais comportemental

On le voit bien, dès qu’on touche à la méthode, cela se traduit par des variations d’étiquettes. Selon les auteurs de l’étude diffusée fin mai, le DPE « a besoin d’un référentiel stable pour comparer ce qui est comparable et suivre dans le temps l’effet des politiques mises en œuvre ». On sent pourtant comme un dilemme car l’outil compte encore quelques limites. Pas de surprise, dans le prolongement de précédentes études, les auteurs de l’étude pointent du doigt les sérieux écarts entre les consommations standardisées du DPE et les consommations réelles.

Le DPE a les défauts de ses qualités. Le choix des consommations théoriques permet de « modéliser les économies d’énergie et donc la décarbonation attendue d’une rénovation », mais il s’éloigne parfois de la réalité des ménages. On le sait, selon le comportement, la facture réelle peut se révéler très différente. L’Anil s’appuie sur les travaux menés par le Conseil d’analyse économique qui avaient fait couler (encore) beaucoup d’encre début 2024 : les estimations de consommations du DPE collent rarement à la réalité. Dans les passoires, elles sont surestimées, tandis que dans les logements vertueux, au contraire, elles sont sous-estimées. C’est presque pavlovien: si le chauffage coûte cher, on se montrera forcément plus économe. « Les usagers adaptent leur comportement en fonction du prix du confort énergétique, et donc, de la performance du logement, ainsi qu’en fonction de leurs revenus. »

Le deuxième écueil est aussi connu, le manque d’harmonisation dans les pratiques des diagnostiqueurs. « Le paramétrage du calcul du DPE, et donc, le résultat, peut varier en fonction des diagnostiqueurs. Deux DPE différents ont été fréquemment remontés pour un même logement selon les diagnostiqueurs. »

Améliorer sans déstabiliser

Pour les auteurs de l’étude, « ces éléments militeraient en faveur d’une homogénéisation et d’une amélioration du DPE, afin qu’il soit plus conforme à la réalité des effets comportementaux, qui agissent sur les consommations énergétiques et les émissions de GES ». Un ménage qui vit dans une passoire F et G, témoigne déjà de sobriété, ce qui rend forcément les économies d’énergie après travaux inférieures à celles escomptées. Les conséquences ne sont pas anodines. « Cette absence de correction « comportementale » peut peser sur l’appréciation de l’efficacité de la rénovation, et de l’efficience de la politique qui la pilote. Les ménages qui ont bénéficié de travaux de rénovation énergétique tendent d’ailleurs à souligner davantage un gain de confort d’usage qu’une baisse notable de la facture. »

Car si le DPE a besoin de s’enrichir d’un volet comportemental, il a aussi besoin d’être stabilisé. « L’amélioration du DPE ne doit cependant pas déstabiliser un référentiel désormais réglementaire et opposable, qui oriente fortement le marché immobilier, les stratégies patrimoniales, les obligations à rénover et la captation des aides de l’État et des collectivités, elles-mêmes sujettes à stabilisation. » Dilemme, il faudra trancher: de quoi le DPE a-t-il le plus besoin aujourd’hui, de stabilité ou d’améliorations.

Rénovation énergétique : enjeux, intérêt à agir des particuliers, prise en compte dans les politiques locales de l’habitat, Anil, mai 20.24

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