Emmanuel Bavoux, responsable du pôle marchés GRDF, nous propose une solution concrète pour accéder à cette fameuse souveraineté énergétique soudainement devenue chère aux différents candidats de la Présidentielle. « Le mix énergétique » avec une bonne dose de gaz vert doit ainsi permettre à la France de devenir indépendante.
Le conflit en Ukraine pose la question de l’approvisionnement en gaz de la France. Sommes-nous si dépendants du gaz russe ?
Emmanuel Bavoux : « Notre premier fournisseur est aujourd’hui la Norvège qui nous fournit à hauteur de 37%. Vous avez ensuite l’Algérie, puis les Pays-Bas et la Russie à hauteur de 17%. Contrairement à nos voisins européens, nous sommes donc un peu moins dépendants du gaz russe. Ceci dit, la question de la souveraineté énergétique, c’est un sujet européen et français qui prend plus d’ampleur ces dernières semaines. Dans ce sens, le biométhane ou le biogaz, c’est-à-dire un gaz 100 % renouvelable, constitue une partie importante de la réponse à terme.
C’est une solution déjà existante. Il faut savoir qu’environ deux à trois nouveaux sites se raccordent chaque semaine pour injecter du gaz vert dans les réseaux. C’est une réalité qui est en forte progression : pour l’année 2021, 152 sites ont été raccordés au réseau. Aujourd’hui, plus de 350 sites sont connectés au réseau de distribution de GRDF pour alimenter en gaz les 11 millions de clients. Approximativement, c’est l’équivalent d’1,8 million de logements neufs desservis par ce gaz vert. »
Pourquoi parle-t-on de gaz vert ?
E. B. : « Ce gaz vert est aujourd’hui principalement produit à partir de résidus agricoles, d’effluents d’élevage, des collectes des territoires. Tous ces déchets sont ensuite placés dans une sorte de composteur géant pour obtenir un gaz qui, après épuration, atteint le même niveau de qualité que le gaz naturel. Il peut donc être injecté dans les réseaux et consommé par les clients sans avoir à changer ou à régler leur chaudière. Et ce gaz, il a un bilan carbone qui est quasi neutre. C’est vraiment à la fois une énergie locale produite par nos agriculteurs avec de l’emploi non délocalisable et une énergie renouvelable.
Au-delà de l’énergie, cette démarche produit aussi un compost, c’est-à-dire un engrais compatible avec l’agroécologie qui va pouvoir être épandu sur les champs. Et on en entend pas mal parler en ce moment du fait que la production d’engrais est dépendante notamment de la Russie. C’est un engrais aussi produit en France avec les déchets de nos agriculteurs. »
Le gaz vert est donc une des solutions pour atteindre notre fameuse souveraineté énergétique ?
E. B. : « A l’horizon 2030, on peut tout à fait couvrir 20% de nos besoins avec ce gaz vert produit en France. Vous voyez, je fais l’analogie avec les 17% de gaz russe. L’Ademe, l’agence de l’environnement, a évalué la ressource de déchets en France et permet d’établir un scénario dans lequel 100% de notre gaz serait français en 2050. C’est l’horizon de la transition énergétique.
Cette mixité des solutions nous tient à cœur. Il n’y a pas de solution unique. Le gaz présente des avantages intrinsèques à cette énergie avec notamment sa capacité à être stocké, ce qui n’est pas le cas de la plupart des énergies renouvelables électriques. Cette capacité de stockage se révèle très importante pour répondre à nos pics de consommation. Il y a un écart de consommation entre l’été et l’hiver de l’ordre de un à quatre. Donc c’est une puissance disponible lorsqu’on en a besoin, que l’on peut activer à tout moment, ce qui n’est pas le cas d’autres énergies. »
Bonne écoute !
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