Une station-service avait été exploitée à proximité du terrain à construire. Résultat, le sous-sol était pollué par différents hydrocarbures, le vendeur l’ignorait. Même si cette pollution n’a rien de monstrueux, elle est suffisante pour parler de vice caché et condamner le vendeur à prendre à ses frais le traitement des terres.
Le diagnostic pollution des sols n’est exigé que pour les installations classées et pour les changements d’affectation. Quant à l’information sur les secteurs d’information des sols (SIS), une disposition de la loi Alur, elle n’est entrée en vigueur qu’à partir de 2019. Autant dire qu’au moment de la vente de ce terrain à bâtir en 2016, il n’existait aucune obligation.
Dès les travaux de terrassement, le sous-sol va révéler des blocs de béton et des hydrocarbures sur une profondeur de trois mètres. Les travaux sont immédiatement stoppés. Mais pour ne pas prendre trop de retard, la SCI qui vient d’acquérir le terrain afin d’y construire un immeuble d’habitation, se charge de sa dépollution, prenant soin de faire analyser les terres excavées par un laboratoire accrédité.
Au total, plus de 56 tonnes de terres polluées ont été retirées et évacuées vers des centres de stockage appropriés. Les analyses sont formelles, on se situe entre 756 et 775 milligrammes par kilo pour les hydrocarbures, 110 mg par kilo pour les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). On peut donc parler de pollution puisque nous sommes au-delà des seuils de 500 mg/kg et 50 mg/kg, respectivement. Son origine? “Très probablement” une station essence qui avait été exploitée dans le passé sur une parcelle voisine.
La pollution des sols est aussi un vice caché
Pour le vendeur, rien ne permettait cependant de suspecter une pollution. Pour sa défense, il invoque une pollution peu importante, qui n’est pas de nature à rendre la chose vendue impropre à sa destination. En d’autres termes, il n’est pas possible de parler de vice caché.
La cour d’appel balaye l’argument, rappelant que “la pollution du sol, ignorée par l’acquéreur, constitue un vice caché, s’il rend l’immeuble impropre à sa destination”. Aucune expertise judiciaire n’a pourtant été ordonnée, mais elle estime que les analyses menées par le laboratoire sur les terres excavées sont suffisantes et infirme ainsi le jugement de première instance. “La cour d’appel constate que le terrain vendu (…) était bien affecté d’un vice caché découlant de la présence de produits pétroliers à des doses supérieures aux normes admises”; vice antérieur à la transaction, et “suffisamment grave pour remettre en cause la faisabilité du projet immobilier entrepris”. La cour d’appel souligne également la passivité du vendeur pourtant informé de la découverte de cette pollution, mais qui n’a jamais donné suite aux demandes de résolution du conflit à l’amiable.
Puisque les blocs de béton ne sont pas considérés comme une pollution, l’indemnisation se résume à l’évacuation des terres polluées, 6.800 euros pour les 56 tonnes concernées. La cour d’appel y ajoute les huit jours de retard de chantier suite à la découverte des terres, soit 1.200 euros supplémentaires.
Cour d’appel de Colmar, 12 avril 2023, n° 21/02693.
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