Le gouvernement veut accélérer la rénovation énergétique. Très bien. Mais avec quels bras ? Deux notes de France Stratégie, le think tank de Matignon, publiées fin septembre, dressent un état des lieux sur les besoins et les moyens pour répondre à cet autre défi de la rénovation énergétique, notamment en termes d’emplois.
200.000 rénovations globales en 2024, un million dans quelques années une fois que la rénovation aura atteint son rythme de croisière. Le chantier est colossal, et on ne parle pourtant que du logement. Dans les bâtiments publics, il faudra aussi rénover en BBC au moins 3% par an du parc, et dans le tertiaire, réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30%. Tout ça, en un temps record.
Au-delà de l’épineuse question des financements, où trouver toute cette main d’œuvre nécessairement qualifiée ? France Stratégie a déjà estimé dans un rapport publié début juillet qu’il faudrait 170.000 à 230.000 emplois supplémentaires. On parle bien d’emplois supplémentaires, c’est sans compter le renouvellement naturel avec les départs en retraite. Si on fait les comptes, c’est 635.000 postes qui seraient à pourvoir d’ici 2030 dans les métiers du bâtiment (37% de l’emploi actuel).
La limite des vases communicants
La construction neuve en perte de vitesse représente naturellement un vivier pour la rénovation. Les pouvoirs publics attendent d’ailleurs « une baisse significative du rythme de la construction neuve dans le résidentiel et le tertiaire ». Ce ne sera pas suffisant, toutefois. France Stratégie estime l’emploi dans la construction de logements neufs entre 250.000 et 300.000 équivalents temps plein (ETP).
« Certes, un fléchissement de la construction neuve permettrait de réallouer une partie des professionnels vers la rénovation, mais il faudrait une chute drastique des mises en chantier pour couvrir l’ensemble des besoins », explique la note d’analyse. Sans compter que la répartition géographique de ces emplois n’est peut-être pas bonne. Dit autrement, ce n’est pas forcément là où on construit le plus de neuf qu’il faudra demain rénover…
Alors que les mises en chantier se concentrent aujourd’hui sur le pourtour méditerranéen ou le littoral atlantique, demain, les plus gros besoins en rénovation se trouveront en Bourgogne-Franche-Comté, dans les Hauts-de-France ou dans le Grand Est.
Plus de besoins, et moins de main d’œuvre.
Il faudra donc embaucher, massivement. Plus facile à dire qu’à faire pour des métiers qui sont parfois en tension aujourd’hui. Car, toujours selon France Stratégie, les nouveaux entrants ne suffiront peut-être pas à compenser le départ des seniors. « Au total, 220.000 postes ne seraient pas spontanément pourvus par les jeunes débutants, soit plus d’un poste sur dix en France métropolitaine. »
Des déséquilibres, parfois criants selon les métiers, pourraient ainsi apparaître. « La rénovation énergétique des bâtiments devrait accroître les difficultés à recruter les professionnels qui réalisent ces travaux, en particulier les ouvriers qualifiés du second œuvre et du gros œuvre. » Au-delà de la réallocation d’emplois de la construction neuve vers la rénovation la note préconise donc de « s’atteler aux causes structurelles qui affectent l’attractivité de ces métiers en améliorant leurs conditions de travail, leur rémunération ou leur mixité ».
L’enjeu est double pour la filière bâtiment, il faudra séduire, mais aussi former davantage. Car non seulement, la rénovation risque de manquer de bras, mais aussi de compétences. Seules 43.000 entreprises qualifiées RGE, sur 750.000 sont aujourd’hui en capacité de réaliser des rénovations globales. Le gouvernement en voudrait 250.000 dès 2028. Encore un défi pour la rénovation énergétique.
Rénovation énergétique des bâtiments : quels besoins de main-d’œuvre en 2030, note d’analyse n°126, France Stratégie, septembre 2023.
Rénovation énergétique des bâtiments : comment répondre aux besoins en emploi et en formation ?, note d’analyse n° 127, France Stratégie, septembre 2023.
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