Quand l’arrivée des Jeux olympiques se combine avec une réglementation toujours plus contraignante pour le bailleur, le locataire se retrouve en fâcheuse posture. Dans un marché locatif parisien qui souffre déjà de pénurie depuis plusieurs années, l’Adil (Agence départementale d’information sur le logement) remarque une hausse singulière des congés au cours des derniers mois.
A louer T2 à Paris, 400 euros la nuit. Les JO ont parfois fait figure de poule aux œufs d’or pour les bailleurs de la capitale. Au cours des derniers mois, on a vu passer des annonces aux tarifs plus qu’exorbitants. Plus de 1.000 euros pour une nuit pour un T2 ! Un peu trop gourmands, les propriétaires ont parfois dû revoir leurs ambitions sérieusement à la baisse.
Ces JO et l’afflux de visiteurs attendu ces prochaines semaines sont souvent apparus comme une aubaine pour les propriétaires franciliens. Au point parfois de congédier son locataire ? C’est ce que suggère l’étude de l’Adil qui analyse les congés reçus entre septembre 2023 et avril 2024.
Sur la période, l’agence a enregistré près de 2.000 consultations en lien avec le congé du bailleur ; 250 ménages en moyenne chaque mois, avec un pic en mars 2024 (350 ménages). « La délivrance d’un congé à cette période pour les baux meublés correspond à une libération du logement à partir de juin 2024, soit quelques semaines avant les Jeux Olympiques », observent les auteurs de l’étude. A l’évidence, il s’agit de la partie immergée de l’iceberg car tous les locataires qui se voient notifier un congé, ne se tournent pas nécessairement vers l’Adil.
Le congé pour reprise, sport olympique
On serait tenté d’y voir un effet JO. Sans doute que des propriétaires ont cru bon de mettre à la porte leur locataire pour récupérer le bien et empocher le supposé pactole durant la période olympique. Quitte à remettre le bien sur le marché locatif quelques mois plus tard ou à le laisser en Airbnb pour échapper –du moins pour le moment– aux obligations qui pèsent sur la location classique. Pas d’obligation de rénovation pour les meublés touristiques, et d’ailleurs, le bailleur n’a même pas besoin de DPE pour le mettre en location sur une plateforme.
L’Adil observe ainsi une augmentation des congés pour reprise. Le motif représente quatre congés sur 10 délivrés en février et en mars. « Ce type de congé est l’un des plus litigieux car le motif de la reprise doit respecter des critères stricts, et également car il est impossible de vérifier la véracité de la reprise avant le départ du locataire. Les locataires suspectant que le congé du bailleur est en lien avec les JO ont le plus souvent reçu un congé pour reprise. »
Résultats, sur les 2.000 consultations enregistrées entre septembre 2023 et avril 2024, l’Adil estime que plus d’un quart des congés serait ainsi invalides. « Plusieurs locataires ayant reçu un congé pour reprise ou pour vente nous ont notamment affirmé constater la présence de leur logement sur des plateformes de location saisonnière. »
Tendance de fond
Cet effet JO reste cependant difficile à mesurer. Car il se conjugue avec une autre tendance plus profonde. La moitié des congés donnés au locataire entre septembre 2023 et avril 2024 apparaît motivée par une vente. On ne connaît pas la classe énergétique des biens, mais puisqu’il s’agit de petites surfaces et puisque nous sommes à Paris qui concentre un grand nombre de passoires thermiques, beaucoup de ces logements sont vraisemblablement classés en F et G, et exposent leurs propriétaires à des obligations de rénovation. « Certains propriétaires optent pour la vente de leur bien plutôt que de faire les travaux nécessaires », estiment les auteurs de l’étude.
Le phénomène n’est pas nouveau, il s’est amorcé avec la parution de la loi Climat et résilience de 2021 qui contraint les bailleurs de passoires thermiques à réaliser des travaux de rénovation pour continuer à louer. Parfois dès 2025, lorsque le logement affiche une étiquette DPE en G. Selon les Notaires de France, la vente de passoires thermiques a atteint 18% en 2023 : comme si leurs propriétaires s’en débarrassaient pour ne pas être contraints de réaliser des travaux. Le phénomène est d’autant plus remarqué à Paris où le nombre de ventes de passoires a littéralement doublé entre 2021 et 2022. Fin 2023, la plateforme Bien’Ici recensait 100.000 logements à vendre classés F ou G, dont un quart uniquement en région parisienne.
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