Rénover, je veux bien, mais est-ce que j’y gagne au final? Dans une récente note, France Stratégie, organisme d’expertise rattaché au Premier ministre, planche sur la rentabilité de la rénovation énergétique. Car malgré MaPrimeRénov’ et son cortège d’aides, le reste à charge apparaît souvent comme un frein. D’où cette idée de faire appel à un tiers payant pour financer la rénovation. Oui, mais à condition que celle-ci soit bien rentable…
Chère rénovation
La rénovation coûte cher. D’autant plus si le logement se situe dans les basses classes du DPE. La note de France stratégie fournit quelques estimations. Prenons un logement aujourd’hui classé en G, il faudra débourser 271 euros par m² pour basculer en C et 441 euros si vous êtes très ambitieux et visez le A.
Petit calcul, pour un logement avec une surface moyenne de 90 m², ça nous fait respectivement près de 25.000 euros et 40.000 euros à sortir. Autant dire que nous sommes sur des ordres de grandeur car dans la vraie vie, on sait bien que plus le logement est petit, plus le coût au m² risque d’enfler, et que toutes les passoires énergétiques ne deviendront pas demain des logements vertueux classés en A.
Oui, la rénovation coûte cher, mais avec la promesse de gains substantiels sur la facture d’énergie, celle-ci devrait s’autofinancer. En théorie, du moins. Car avec l’effet rebond, on sait désormais qu’après une rénovation, les occupants du logement ont tendance à se chauffer davantage, à augmenter la température ambiante, et donc à grignoter les précieuses économies d’énergie réalisées.
Pour financer cette coûteuse rénovation, France Stratégie plaide -comme tant d’autres depuis plus de dix ans- pour un mécanisme de tiers payant qui prend en charge les travaux et se rémunère ensuite sur les économies d’énergie réalisées. “L’intérêt de ce système réside notamment dans l’absence de paiement direct et d’endettement pour le propriétaire du logement rénové, réduisant ainsi un obstacle clé à la rénovation. La rétrocession d’une part importante des économies d’énergie réduit également le risque d’effet rebond”, explique France Stratégie.
Une rentabilité lointaine et incertaine
Sauf que la rentabilité d’une opération de rénovation est loin de se vérifier à coup sûr si l’on se fie à la note diffusée juste avant les fêtes. Le think tank de Matignon s’est livré à de savantes projections, la rentabilité des travaux permettant d’atteindre une étiquette C serait assurée pour 36% des logements -seulement- et encore, au bout de 20 ans.
Et même en poussant jusqu’à 30 ans, la rentabilité est loin d’être toujours assurée. “Le nombre de logements du parc privé dont la rénovation serait rentabilisée sous un horizon de trente ans est compris entre 9 et 17 millions (soit entre 40 % et 77 % du parc)”, explique la note de synthèse. Dit autrement, pour un quart du parc au moins, les économies d’énergie réalisées ne suffiront pas, même après trois décennies, pour financer la rénovation. Et c’est sans compter les nombreuses incertitudes qui pèsent sur les scénarios de France Stratégie comme l’évolution des tarifs de l’énergie, l’évolution des taux d’intérêt ou le coût des matières premières, par exemple.
Néanmoins, même si la rentabilité n’est pas toujours assurée, France Stratégie ne remet pas en cause le mécanisme de tiers financeur, seul capable de massifier et doper la rénovation. “La rentabilité strictement économique des rénovations ne devrait pas être l’unique indicateur retenu pour guider la décision publique : un niveau d’ambition plus élevé permettrait de dégager des bénéfices socio-économiques supplémentaires, notamment par la baisse des émissions de gaz à effet de serre”.
Si la France veut respecter ses objectifs de neutralité carbone à horizon 2050, elle doit mettre les bouchées doubles désormais. On comptait 70.000 rénovations globales effectuées annuellement sur la période 2012-2018, il faudrait passer à 370.000 par an après 2022, et 700.000 par an à partir de 2030.
3 Trackbacks / Pingbacks