Dire où se cache l’amiante ne suffit pas. Dans quel état se trouve-t-il? Cette évaluation de l’état de conservation, indissociable du diagnostic, se révèle précieuse avec ses recommandations qui peuvent changer du tout au tout. Précieuse, et aussi source de litige. La justice vient de trancher dans une affaire où l’acquéreur demandait réparation estimant qu’on lui avait caché l’état réel de amiante.
Dans un immeuble de la région parisienne, des gaines de ventilation floquées à l’amiante traversent à la fois des parties communes et des parties privatives. D’un côté, l’amiante a été diagnostiqué dès 2008 parfois dans un état dégradé: prière donc de les retirer. Côté parties privatives, un autre diagnostiqueur n’y a vu que de l’amiante en bon état ne nécessitant rien de plus qu’une surveillance périodique.
L’acquéreur estime avoir été trompé lors de la vente conclue en 2014. Car à la demande du syndic, le DTA (Dossier technique amiante) a été actualisé en 2012, avant la vente donc, mais lui a été délibérément caché. Ce diagnostic mentionnait pourtant “de l’amiante en grande quantité, non seulement sur une gaine de ventilation située au plafond (partie privative) mais également sur toutes les gaines qui couraient du sol au plafond au fond de la réserve sur 16 mètres linéaires (parties communes)”.
Rien à voir avec le rapport qui a été remis avant la vente et qui ne faisait mention que d’une seule gaine, au plafond, oubliant celles du fond de la pièce. L’acquéreur s’étonne aussi des divergences de conclusions dans l’évaluation de l’état de conservation: le diagnostiqueur sollicité lors de la vente estime l’amiante en bon état et ne préconise rien d’autre qu’une surveillance basique tous les trois ans maximum, quand son confrère, deux ans plus tôt, recommandait une surveillance plus poussée avec une mesure d’empoussièrement.
Pour l’acquéreur, c’est clair, le diagnostiqueur sollicité dans le cadre de la vente a rédigé un “rapport entaché d’erreurs grossières (sur la situation du bien), insuffisant (sur la localisation des flocages amiantés) et erroné (sur l’état de conservation de ceux-ci)”. L’acquéreur demande donc réparation au titre de la perte de chance de ne pas avoir pu négocier le bien à moindre prix et du préjudice de jouissance, puisque le local ne peut être utilisé comme stockage comme il était initialement prévu.
L’environnement du matériau compte aussi
La cour d’appel de Versailles vient cependant de débouter l’acquéreur de toutes ses demandes. Qu’il n’ait pas eu connaissance du DTA actualisé en 2012 ne change pas grand-chose à ses yeux, puisqu’avec la version de 2008, il était déjà informé de la présence d’amiante en mauvais état dans les parties communes. Le notaire chargé de la vente s’était d’ailleurs renseigné auprès du syndic pour connaître les mesures prises afin de surveiller et retirer l’amiante.
Effectivement, le diagnostiqueur “a commis une faute en détaillant insuffisamment la localisation du flocage amianté dans cette cave et ne signalant pas l’existence d’autres gaines, ne serait-ce que pour mémoire”, mais puisque sa mission se bornait uniquement aux parties privatives dans le cadre de la vente, sa responsabilité ne peut être recherchée sur ce point.
Non, pour la justice, le nœud du problème se trouve bien dans la différence d’appréciation de l’état de conservation de l’amiante qui tient compte à la fois de la dégradation ou non du matériau mais aussi de son environnement immédiat. De sorte que le diagnostiqueur peut très bien mettre “une note 1 lorsque le niveau d’exposition du flocage aux circulations d’air, aux chocs et aux vibrations est faible, et une note de 2 lorsque ce niveau est moyen ou fort”. Rien ne permet donc de conclure à une erreur de l’opérateur. “La divergence (entre les deux rapports de diagnostic) portant sur l’exposition aux chocs et aux vibrations ne saurait suffire à caractériser une faute.”
Cour d’appel de Versailles, 14 décembre, n°20-03644.
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