Audit et DPE, même méthode, mêmes embrouilles ?

Après deux reports, l’audit arrive enfin. Outil essentiel à la rénovation énergétique dans le logement individuel, cet audit repose aussi sur la méthode 3CL… 3CL ? Oui, on parle bien de la méthode du DPE, celle qui essuie les critiques depuis plus d’un an.

La méthode a pourtant été revue et corrigée. Depuis sa mise sur orbite en juillet 2021, on ne compte plus les correctifs apportés au DPE et les nouvelles versions. La méthode a sans doute été améliorée, mais elle est loin d’être parfaite aux yeux de Christian Cardonnel.

De ces imperfections, le consultant en efficience énergétique en cite à la pelle : des équipements sophistiqués qui ne sont pas pris en compte, des apports solaires sous-estimés pour les baies vitrées et même les vérandas, des biais de calcul qui pénalisent les petites surfaces, et aussi des problèmes sur les données climatiques, sur les débits de ventilation, sur la récupération des apports gratuits… Exemple, avec la ventilation, « le parent pauvre du bâtiment ». « Le calcul est réalisé à partir d’un tableau de valeurs, au pas annuel, et ne prend pas en compte la température extérieure et l’impact du vent. On aboutit à un débit de ventilation important, constant et très pénalisant dans les petits logements ou pour certains systèmes. » Autre exemple, le photovoltaïque, « si je mets des capteurs solaires en toiture, j’ai du mal à les réintégrer au niveau du bilan énergétique ».

Une méthode de calcul inadaptée dans l’ancien

Pour le consultant qui participe régulièrement aux réunions ministérielles sur le sujet, la méthode est donc encore loin d’être fiable. Pire, dans l’ancien sorti de terre avant 1948, elle est même contestable. « La caractérisation de l’enveloppe du bâti n’est pas judicieuse. Il y a trop de déperditions prises en considération, tandis que l’inertie n’est pas suffisamment prise en compte », déplore Christian Cardonnel. Si bien que le DPE ne reflète pas toujours la réelle performance énergétique et peu aboutir à des notes dégradées dans l’ancien.

Christian Cardonnel n’est pas le seul à pointer du doigt cette défaillance du diagnostic dans le bâti ancien. Au fur et à mesure que le DPE gagne en influence, on entend de plus en plus de voix pour plaider une méthode davantage adaptée au bâti ancien. Jusqu’à Martin Malvy, ancien ministre et président de Sites & Cités remarquables de France, auteur d’une tribune dans le Monde, fin février. L’ex-ministre du Budget (1992-1993) y dénonce un DPE inefficace dans l’ancien, parce que la méthode de calcul ne prend pas suffisamment en compte le système constructif particulier et néglige ses qualités hygrothermiques intrinsèques.

Du coup, ces logements anciens se retrouvent injustement catalogués comme passoires thermiques, dans l’imagerie populaire comme dans le DPE. Le projet Batan, étude conduite par le ministère du Logement et sortie à l’orée des années 2010, sur un panel de logements de constructions d’avant 1948, montrait déjà que les logements auscultés avaient une consommation énergétique qui tournait plutôt autour de 200 kW/an/m², soit l’équivalent d’une étiquette… D.  

« Le thermomètre n’est pas adapté. »

Le nouvel audit énergétique va pourtant repartir d’un bilan énergétique à base de 3CL avec des scénarios de travaux et des projections pour atteindre une rénovation performante ; des projections de gains énergétiques elles-aussi basées sur cette méthode 3CL. Dit autrement, parce que le DPE classe un bien en F et G, on va exiger du propriétaire de faire un audit énergétique qui préconisera de réaliser de coûteux travaux pour atteindre une étiquette C, alors que sa maison était peut-être déjà classée D, dès le départ.  

« Le thermomètre n’est pas adapté », répète à l’envi Christian Cardonnel. Si le diagnostic n’est pas bon, comment peut-on connaître le bon remède? Oui, mais la rénovation énergétique est devenue une priorité nationale et doit désormais avancer à marche forcée. On fait donc avec ce qu’on a sous la main, ce qu’il y a de plus simple, la méthode 3CL. En attendant mieux.

Du côté des pouvoirs publics, on commence à y travailler. Dressant le constat que les outils de calculs aujourd’hui utilisés sont hétérogènes, anciens (la méthode 3CL s’inspire à l’origine de la RT1989) ou incomplets, le CSTB soutenu par le ministère et l’Ademe réfléchissent à une nouvelle méthode. Début 2023, le projet Cible a été officiellement lancé avec l’ambition de bâtir un nouvel outil de simulation facilitant la conception globale du bâtiment. La feuille de mission est claire, le projet Cible doit dessiner l’outil de demain pour le calcul de la performance environnementale du bâtiment. Dans le neuf comme dans l’ancien. La méthode 3CL semble donc bel et bien en sursis, même s’il faudra sans doute encore composer avec quelques années.   

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