Avec le nouveau DPE, le fuel « systématiquement un mauvais élève »

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Laurent Vimont, président de Century21, revient sur le nouveau DPE. Même si ses conséquences semblent rester mesurées dans un marché tendu, ce patron de l’immobilier regrette que le diagnostic ait été dénaturé, et ne sanctionne lourdement les énergies fossiles.

D’après le ministère, tout est rentré dans l’ordre avec ce nouveau DPE…

Laurent Vimont : « Je pense que c’est une vision un peu optimiste. Trois à quatre sujets restent confus. Le premier est l’évaluation du nombre de logements qui seraient des « passoires thermiques » un mot épouvantable. Le ministère parle d’un peu plus de 4 millions, mais les experts de 7 à 8 millions. 

On pouvait parler de « passoire thermique » lorsque le DPE évaluait le logement juste sur ses coûts de consommations de chauffage. Aujourd’hui, ce n’est plus vrai, puisque les émissions de gaz à effet de serre et de CO2 entrent dans le calcul. Avec le fuel, vous êtes systématiquement éliminés, et vous êtes un mauvais élève puisque la consommation pure n’est plus un élément essentiel. »

Vous dites ne pas aimer le terme de « passoire thermique ». Pourquoi ?

L. V. : « Une passoire laisse passer l’énergie, mais là, ce qui compte c’est le type d’énergie. Vous pouvez avoir une maison parfaitement isolée avec une note de chauffage extrêmement faible, cela compte beaucoup moins qu’auparavant. Aujourd’hui, ce qui compte davantage c’est le type d’énergie avec le fuel qui n’est plus souhaité par l’Etat.

Il faut poser une question toute simple : comment va faire un particulier propriétaire d’un appartement mis en location, en F ou G, dans une copropriété en chauffage collectif au fuel ? Il ne pourra rien faire tout seul. Mon inquiétude, c’est que cela risque de sortir du marché des appartements en location et d’amplifier encore les difficultés des locataires à trouver un logement en France et dans les zones tendues. »

L’association NégaWatt, nous explique qu’il y a 8 millions de passoires énergétiques, Michaël Nogal, député, parle de 4,8 millions. Pourquoi ce double discours ?

L. V. : « Il y a la théorie et la pratique. Il y a ceux qui voient ça de loin et ceux qui le vivent au quotidien. Si vous prenez les deux chiffres, l’un du ministère, l’un des experts, vous passez du simple au double. La façon dont le DPE est structuré, avec la volonté d’éliminer les énergies fossiles, fait que dans toutes les copropriétés où le chauffage est collectif et au fioul, le copropriétaire ne pourra rien faire seul. Tous les logements où les gens ont réalisé des travaux importants pour s’isoler correctement, risquent cependant de finir en F ou G parce qu’ils sont chauffés au fioul. Il existe une incohérence, l’approche est trop dogmatique. »

« Cela reste qu’une note, importante, certes, mais qu’une note. »

Que faire ? Consulter à nouveau les experts de terrain pour revoir le DPE ?

L. V. : « Peut-être qu’ils n’ont justement pas été assez entendus. Les diagnostiqueurs ont déjà travaillé sur ce nouveau DPE, mais n’ont pas toujours été entendus. Il existe donc un vrai problème. Il faut d’abord se mettre d’accord sur le nombre de logements, et revoir l’appellation « passoire thermique » qui n’est pas bonne.

Les pouvoirs publics ont changé le mode de calcul. Dans le DPE, si mes informations sont bonnes, le calcul intègre l’idée qu’un logement doit être aéré cinq minutes toutes les heures. C’est totalement aberrant. »

Concrètement, aujourd’hui, un agent immobilier vend un bien classé F ou G ?

L. V. : « Grâce au marché de pénurie. Parce que malheureusement, aujourd’hui, les gens n’ont pas assez le choix. Et pour l’instant, le dispositif n’est pas encore entré en vigueur. On aurait pu imaginer un bonus vert, mais c’est un malus rouge. »

Quelle solution préconisez-vous ?

L. V. : « Se mettre autour d’une table avec les gens qui ont construit ce « bazar » et voir comment on peut l’améliorer, sans pénaliser des propriétaires qui ont investi de l’argent dans un appartement. »

Mais peut-être que l’incitation ne marche pas et qu’à un moment l’obligation devient nécessaire…

L. V. : ” Je crois davantage aux multiples petits pas plutôt qu’à un grand pas impossible à faire. Par exemple, dans ma vie, j’ai appris depuis mon jeune âge, à éteindre les lumières d’une pièce. Et puis ma fille m’a appris à couper l’eau, quand on brosse les dents. Vous me direz que ces gestes sont infiniment petits. Oui. Mais si chaque être humain réalise ces petits pas, nous changerons les choses. Rendre la chaudière au fioul incompatible ou responsable de tous les maux de la société, est totalement absurde ! »

Quel conseil donneriez-vous aux propriétaires envisageant de vendre leur bien ?

L. V. : « Qu’ils se demandent combien va coûter le changement de note. Rien ne sert de paniquer. Aujourd’hui, nous sommes sur un marché de pénurie avec un choix limité : on ne peut pas choisir entre un F et A, puisqu’il y a très peu de A, mais aussi très peu de stock. Cela reste qu’une note, importante, certes, mais qu’une note. L’acquéreur aura peut-être des travaux à faire, le vendeur devra peut-être baisser son prix, mais pas de panique. »

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