CEE : la Cour des comptes réclame une réforme d’ampleur

CEE

C’est le premier levier de la rénovation énergétique en France, plus ancien que MaPrimeRénov’, mais aussi mal connu. Les certificats d’économie d’énergie sont dans le collimateur de la Cour des comptes. Dans un rapport publié la semaine passée, l’institution de la rue Cambon ne ménage pas ses critiques à l’encontre du dispositif : coût exorbitant, instabilité permanente, et pour couronner le tout, un manque d’efficacité.

Un principe simple, pollueur-payeur, mais des mécanismes toujours plus complexes. Au fil des ans, les CEE sont devenus un gigantesque fourre-tout où s’empilent les dispositifs de soutien à la transition écologique. De l’installation d’une pompe à chaleur chez le particulier, à l’équipement d’un dispositif « start and stop » pour les véhicules agricoles, en passant par le programme Bail Rénov destiné à l’information des bailleurs, ou l’aide au particulier pour équiper son logement d’un thermostat.

Plus d’un million d’opérations d’économies d’énergie sont ainsi soutenues chaque année, brassant aujourd’hui près de six milliards d’euros. C’est plus encore que MaPrimeRénov’, l’autre dispositif archi connu de soutien à la transition énergétique des ménages.

Une taxe déguisée

Paradoxalement, le dispositif des CEE continue à échapper au commun des mortels. Sa constante instabilité et sa complexité croissante n’y sont sans doute pas étrangères. Les objectifs d’économies d’énergie qui s’imposent aux obligés, les fournisseurs d’énergie, ont été multipliés par 3,5 depuis 2015. Et ils pourraient encore doubler sur la prochaine période de 2026 à 2030 pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030.

L’instabilité se lit aussi dans le fonctionnement sans cesse revisité à coups d’arrêtés. Pas un mois sans qu’une fiche d’opérations standardisées d’économies d’énergie (le catalogue en compte désormais 230) ne soit créée, supprimée ou simplement modifiée. La Cour des comptes recense ainsi « plus de 280 textes réglementaires adoptés depuis 2018 ». C’est beaucoup.

Le dispositif d’économie d’énergie ressemble à une véritable usine à gaz extrêmement onéreuse : six milliards d’euros par an. En théorie, cela ne coûte pas un sou au contribuable, aux fournisseurs d’énergie de payer. Pollueur payeur, c’était le principe de base. « En pratique, ceux-ci répercutent tous les coûts nécessaires à l’obtention des certificats (…) dans les prix de vente des énergies. Il en résulte que le coût associé aux CEE est supporté in fine par les ménages et les entreprises du secteur tertiaire », indique le rapport. La Cour des comptes se livre à une estimation, en acquittant ses factures d’énergies et en faisant le plein de son véhicule, chaque ménage a financé le dispositif à hauteur de 164 euros en 2023. « S’il n’en a pas la qualification juridique, le mécanisme des CEE équivaut au plan économique à une taxe sur les consommations d’énergie. »

Des économies surévaluées

Coûteux pour les ménages, le dispositif n’en est pas plus efficace pour autant. L’État impute des économies équivalant à 6,5 % de la consommation d’énergie de 2020, mais la Cour des comptes estime ces économies « surévaluées d’au moins 30% » pour 2022 et 2023. Et c’est sans compter le fameux effet rebond qui invite les ménages à consommer davantage après de travaux de rénovation. On reste sur de la pure théorie.

La Cour des comptes avait adressé la même critique à l’encontre de MaPrimeRénov’ fin 2023, malgré les milliards d’euros engloutis on ne parvient pas à mesurer les gains énergétiques réels. « Les résultats affichés sont en effet issus de calculs théoriques qui ne sont jamais vérifiés par une mesure des consommations d’énergie réelles, après la réalisation des opérations », poursuivent les auteurs du rapport.

Les économies paraissent d’autant plus surestimées que les CEE ont souvent été pointés du doigt pour les fraudes. « Sans qu’il soit possible d’en déterminer le montant, des fraudes significatives sont avérées pour certaines opérations bénéficiant aux particuliers ou à certains professionnels. » Au cours des dernières années, les pouvoirs publics ont renforcé les contrôles pour lutter contre les dérives, mais la fraude est loin d’avoir été éradiquée : « un tiers des opérations contrôlées sur site à la demande de l’administration révèle encore aujourd’hui des anomalies ».

Réforme ou suppression ?

Le constat est accablant, pour la Cour des comptes le dispositif de CEE « ne peut perdurer sans réforme d’ampleur ». Le rapport n’y va pas par quatre chemins : ou le dispositif est profondément réformé, ou bien il disparaît. « Au vu des défauts et anomalies relevés par la Cour, la suppression du dispositif des CEE pourrait être envisagée. Toutefois, dans l’hypothèse où le législateur souhaiterait son maintien, des réformes structurelles profondes sont nécessaires pour contribuer efficacement à l’objectif de réduction des consommations d’énergie. »

La Cour des comptes fournit quelques pistes de réflexion pour améliorer le dispositif. Sans surprise, on y retrouve la lutte contre la fraude avec l’automatisation des contrôles et le partage des informations entre administrations pour démasquer les fraudeurs. On y retrouve aussi le souhait d’une plus grande stabilité et transparence, ainsi qu’une meilleure mesure de l’efficacité du dispositif d’économies d’énergie. Que l’on sache enfin combien rapportent les milliards d’euros engloutis par les certificats d’économies d’énergie.

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