DPE : un contrôle automatisé pour enrayer les mauvaises pratiques

Enfin. Déjà précieux pour ses statistiques et sa photographie du parc hexagonal, l’Observatoire du DPE piloté par l’Ademe va aussi devenir un outil pour déjouer les mauvaises pratiques. Le contrôle longitudinal des DPE proposition d’abord portée par Sidiane est désormais prêt. L’outil sera officiellement présenté aux fédérations du diagnostic ce jeudi.

L’idée est aussi vieille que l’Observatoire du DPE lancé en 2013. Pourquoi ne pas utiliser cette précieuse data pour déceler les anomalies dans les diagnostics ? Après tout, depuis 2013, l’Ademe dispose d’une abondante matière pour détecter des comportements singuliers. Comme un diagnostiqueur qui signe plusieurs centaines de DPE au cours de la même journée. Ou un opérateur extrêmement indulgent qui ne mettrait jamais d’étiquette F ou de G. Les possibilités sont nombreuses.

Plutôt que de démultiplier les contrôles sur ouvrage afin de veiller à la qualité des DPE, la fédération Sidiane poussait cette proposition en 2022, lors des discussions autour de la nouvelle certification. La solution avait le grand mérite de ne pas faire peser une charge supplémentaire sur les diagnostiqueurs, en particulier ceux qui font correctement le boulot et qui doivent aujourd’hui supporter des contrôles supplémentaires pour d’autres qui n’ont toujours pas compris que l’on ne pouvait pas faire n’importe quoi avec ce DPE. « C’était une excellente idée pour détecter les anomalies ponctuelles ou récurrentes, et nous étions un peu agacés qu’elle ne soit pas retenue », se souvient Jean-Christophe Protais, le président de Sidiane. La proposition n’est pas tombée aux oubliettes, la DHUP et le CSTB ont planché dessus.

L’outil est désormais prêt. Une présentation a déjà été effectuée auprès des organismes certificateurs en novembre, une autre est programmée ce jeudi pour les fédérations du diagnostic immobilier. Jean-Christophe Protais a pu en avoir un petit aperçu, l’outil le satisfait déjà pleinement, il permet effectivement de détecter des anomalies dans les DPE.

Treize indicateurs

Ce nouveau contrôle repose sur 13 KPI, 13 indicateurs divers et variés pour déceler à la fois des anomalies dans le comportement du diagnostiqueur et des incohérences dans le diagnostic. Par exemple, le nombre de kilomètres parcouru par l’opérateur. Si un diagnostiqueur parcourt 50.000 km dans le mois et réalise des centaines de DPE, il y a peut-être un loup. De même pour un opérateur qui réalise quotidiennement des dizaines de DPE. On peut légitimement se demander s’il visite chaque bien, et s’il n’a pas « prêté » sa signature à quelqu’un d’autre. Ça s’est déjà vu par le passé.

« Nous avons aussi d’autres KPI comme la comparaison avec les biens avoisinants. Si dans une copropriété, tous les biens sont classés en G, un appartement qui sortirait en D peut sembler bizarre », poursuit Jean-Christophe Protais. Bizarre ne signifie pas forcément que le diagnostiqueur s’est montré indélicat. Un diagnostiqueur peut très bien signer plusieurs dizaines de DPE dans une même journée s’il intervient sur du collectif. Ce contrôle n’amènera donc pas de sanction systématique. C’est un outil supplémentaire aux mains des organismes certificateurs et éventuellement de la DGCCRF.

Outil de supervision

A travers cet outil, le patron de Sidiane y voit plusieurs intérêts. Le premier, le plus évident, c’est qu’il permettra de faire la chasse aux diagnostiqueurs qui n’ont toujours pas saisi l’enjeu du DPE. « Comme dans toute profession, il existe une proportion de gens malhonnêtes, c’est aujourd’hui d’eux qu’on parle le plus souvent et c’est ceux-là qu’il faut tracer. » Par ricochet, grâce à ce nouveau contrôle, on s’apercevra peut-être que ces comportements ne sont pas aussi répandus qu’on veut bien l’entendre.

Jean-Christophe Protais y voit aussi un second intérêt. L’outil peut contribuer à la professionnalisation de la filière. Après tout, une anomalie dans le DPE n’est pas nécessairement une fraude avérée. « Il peut y avoir une erreur de bonne foi. Ce n’est pas forcément un outil de répression, c’est un outil de supervision. » Le président de Sidiane imagine par exemple des déclinaisons au sein de réseaux pour identifier des lacunes de certains opérateurs et déclencher des formations appropriées.

Pour le moment, le calendrier du déploiement n’est pas encore connu. « C’est un outil qui ne coûte rien et qui ne pénalise pas les bons diagnostiqueurs. On va pousser pour qu’il soit mis en service très rapidement. » L’urgence commande, c’est l’intérêt de tous, des diagnostiqueurs qui aspirent à redorer leur blason comme des pouvoirs publics qui ont besoin de redonner de la confiance dans ce DPE, essentiel à la rénovation énergétique.

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