Un pas en avant, deux en arrière. Craignant que le gaz ne connaisse le même sort que le fioul, la filière s’inquiète. Côté gouvernement, on a bien tenté d’apaiser ces dernières semaines, mais les nouvelles déclarations de la Première ministre rallument les inquiétudes. L’installation de nouvelles chaudières gaz dans l’ancien se précise, la question semble désormais de savoir quand elle tombera.
Le répit aura été de courte durée. Devant l’Assemblée nationale en avril, le ministre du Logement, Olivier Klein, tentait pourtant de calmer le jeu: non, le gouvernement n’avait pas dans ses cartons, un projet d’interdiction des chaudières gaz dans l’ancien. De quoi rassurer, un peu, la filière.
Les nouvelles chaudières gaz interdites dès 2026?
Nouveau son de cloche en début de semaine. Face au Conseil national de la transition écologique, la Première ministre Élisabeth Borne détaillait son plan d’actions. Le gaz est bel et bien dans le collimateur. L’interdiction de nouvelles chaudières gaz dans l’ancien permettrait d’économiser quelque 26 MtCO2e et constituerait un levier important pour tenir l’engagement européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 (-55% par rapport à 1990). La Capeb reçue à Matignon mardi au lendemain de l’annonce, avance même une possible échéance à 2026. Autant dire demain, un calendrier non tenable pour le patron des artisans, Jean-Christophe Repon.
Cette date de 2026 colle justement avec le rapport de France Stratégie dévoilé cette semaine. Pour être dans les clous en 2030, le think tank rattaché à Matignon pose le scénario d’une interdiction des nouvelles chaudières à gaz dès 2026. Un quart des 12 millions d’équipements recensés en France pourraient ainsi être remplacés en l’espace de quelques années, pour un investissement de 8 milliards d’euros par an.
Du côté de l’association Coénove qui rassemble les acteurs majeurs assemble de l’efficacité énergétique dans le bâtiment, cela ressemble à “une fausse bonne idée aux conséquences économiques désastreuses pour les ménages français et les finances publiques”. “Ne nous trompons pas de combat : ce n’est pas l’appareil qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir ! Interdire l’installation de nouvelles chaudières serait un contre-sens historique, au moment même où elles affichent leur compatibilité avec le gaz vert – énergie stockable, renouvelable et produite en France.“
Une conversion forcée qui ne passe pas
Jugeant l’annonce brutale, l’association regrette l’absence de concertation, alors que plusieurs déclarations ministérielles au cours des derniers mois assuraient qu’aucune décision ne serait prise sans consultation préalable. “La mise en œuvre d’un projet d’interdiction des chaudières constituerait une décision inquiétante, tant pour 1 Français sur 2 dont les logements sont équipés d’une chaudière que pour les salariés et les entreprises de la filière des professionnels du gaz qui compte aujourd’hui plusieurs centaines de milliers d’emplois.”
Les arguments de Coénove ont déjà été exprimés au cours des derniers mois. Ce coup d’arrêt brutal du gaz au profit du tout-électricité pourrait se révéler contre-productif. Pour les ménages qui ne disposent pas forcément des ressources suffisantes et dont les maisons ne sont pas toujours suffisamment isolées pour accueillir une pompe à chaleur; pour le pays aussi qui devra faire face à une électrification massive des usages sans savoir si le réseau actuel sera capable de suivre. Une étude de RTE sur le sujet est d’ailleurs attendue pour septembre 2023.
Surtout, cette conversion forcée à l’électricité vient contrarier les efforts de la filière pour produire un gaz vert et participer à la décarbonation à horizon 2050. “La France dispose d’un potentiel mobilisable de production de gaz renouvelables conséquent, de l’ordre de 320 TWh à l’horizon 2050, rappelle Coénove. Les gisements de production de gaz renouvelables pourront donc garantir des quantités de gaz verts supérieures à la consommation totale de gaz prévue en 2050 et permettront d’assurer l’indépendance énergétique de notre pays, tout en décarbonant l’ensemble des secteurs, dont celui du bâtiment.” À condition que la filière dispose de temps pour effectuer sa métamorphose.
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