C’est un rituel dans le calendrier. Chaque début d’année, la Fondation Abbé Pierre dresse un état des lieux du mal-logement en France. Mais le cru 2023, dans un contexte de crise énergétique, était sans doute plus attendu. Même s’il manque encore de recul sur l’année écoulée, le nouveau rapport de la Fondation, publié ce mercredi, évoque des difficultés toujours plus grandes à se loger et à payer les factures du logement en fin de mois.
Premier poste de dépense des Français, le logement creuse encore l’écart. La preuve par les chiffres: il pesait 20% des revenus des ménages en 1990, il atteint 27,8% en 2021 selon l’Insee repris par la Fondation Abbé Pierre. On parle bien d’une moyenne. Car chez les foyers les plus modestes du parc privé, le poids du logement s’envole carrément “les dépenses en logement représentaient 45% de leurs revenus en 2017”. Et un peu plus encore, aujourd’hui, sans doute.
Et cette tendance souvent confinée aux zones tendues, Paris en tête, s’accentue et gagne la plupart des régions. “Des départements entiers, ou peu s’en faut, sont devenus inabordables pour une très large frange de ménages poussant les actifs à s’installer aux confins ou dans les départements voisins et les condamnant à des migrations pendulaires de grande ampleur.”
De plus en plus dur de se loger…
Dans son rapport de 326 pages, la Fondation Abbé Pierre dévoile ainsi une étude menée dans 24 communes, métropoles ou villes moyennes, pour connaître la capacité de 12 ménages types, très modestes, modestes ou classes moyennes, à se loger.
Le verdict est sans appel. L’étude montre les réelles difficultés d’accès au parc locatif privé, et l’impossibilité même pour certains ménages-types (jeunes en alternance, familles monoparentales…) de se loger. “En ce qui concerne l’accession à la propriété pour les ménages modestes étudiés ici, les perspectives sont nulles ou presque aux prix du marché.”
Par rapport à de précédentes simulations réalisées en 2016, la Fondation estime que la situation s’est encore dégradée notamment en raison de la production de logements sociaux qui a chuté: “On est ainsi passé de 124.000 logements sociaux financés en 2016 à 95.000 en 2021 et sans doute autant en 2022 d’après de premières estimations.” Loin, très loin, de l’objectif gouvernemental de 150.000 logements sociaux par an.
De plus en plus dur de payer les factures
Non seulement, il est de plus en plus difficile de se loger, mais les ménages voient aussi leur budget miné par les dépenses contraintes. La Fondation déplore des “marges de manœuvre financières (…) considérablement réduites” une fois qu’un foyer a payé toutes ses factures du logement. “La part des dépenses contraintes pèse de plus en plus dans les revenus des ménages français, passant de 12% dans les années 1960 à 29% en 2019.” Avec, sans surprise, le poste énergie qui se taille la part du lion.
Combien de personnes souffrent de précarité énergétique? Avant la crise énergétique, la Fondation Abbé Pierre estimait que près de 12 millions de personnes consacraient une part trop importante de leurs revenus aux factures énergétiques et disposaient d’un reste à vire insuffisant. Dans son rapport, la Fondation reconnue d’utilité publique ne se risque pas à livrer de nouveaux chiffres. On reste sur 4 millions de personnes mal logées, 12 millions de personnes fragilisées par rapport au logement. Mais elle note “des tendances à l’aggravation”, avec quelques indicateurs à l’appui. Les coupures d’énergie, ou réductions de puissance, ont carrément explosé, 786.000 en 2021, +22% en deux ans. En 2021… Autant dire que la situation ne s’est guère arrangée en 2022, et qu’avec les hausses de ce début d’année, elle pourrait encore se détériorer, malgré le bouclier tarifaire.
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