Rénovation énergétique: la décarbonation ne peut pas être la seule priorité

Et si on se trompait en privilégiant à tout prix la décarbonation du bâtiment ? Un énième rapport d’information présenté à l’Assemblée nationale ce mercredi, invite à changer de paradigme en privilégiant concrètement l’isolation performante à la pompe à chaleur. La rénovation ambitionne la décarbonation des bâtiments, mais la réduction des consommations, ou la lutte contre la précarité énergétique par exemple, ne peuvent être reléguées au second plan.

L’enjeu est colossal, pour respecter l’objectif de décarbonation, 95% du parc actuel devra être rénové en 25 ans à peine. Oui, mais le rythme de rénovation reste bien trop faible, et les ambitions claironnées gouvernement après gouvernement n’ont jamais été atteintes.

Comme d’autres rapports auparavant, Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert, les deux députées rapporteures, invitent à « démultiplier les efforts fournis jusqu’à présent » pour que les objectifs soient enfin atteints. « Il n’est plus question de les remettre en cause mais de les atteindre : nous ne pouvons plus négocier avec le climat », affirment les rapporteures.

La baisse des consommations: « un principe fondamental et prioritaire »

D’accord sur les objectifs, mais pas forcément sur le chemin emprunté. Alors que la réduction des émissions de gaz à effet de serre guide aujourd’hui les politiques de rénovation dans le bâtiment, alors que le Président de la République a annoncé le développement d’une filière pompe à chaleur made in France, cet énième rapport prend le contrepied. Les deux rapporteures demandent à « changer de paradigme pour faire de la baisse des consommations – et donc de la facture énergétique – un principe fondamental et prioritaire ». Autrement dit, il faut désormais avoir « une approche plus globale pour une isolation performante ».

A contre-courant, les deux parlementaires mettent en garde contre le tout-électrique. « Les objectifs de décarbonation ne doivent pas inciter à faire de la politique de rénovation un vecteur de l’électrification massive du parc de logement au détriment des autres objectifs fixés par la loi à la politique de rénovation énergétique (réduction de la consommation d’énergie, lutte contre la précarité énergétique et adaptation des logements au réchauffement climatique). »

Pour la mission d’information, la solution passe donc par des rénovations globales ; une ambition partagée par le gouvernement qui en veut 200.000 dès 2024. On en est loin. Sur 670.000 logements bénéficiaires de MaPrimeRénov’ en 2022, on compte moins de 66.000 rénovations globales. Le dispositif Mon Accompagnateur Rénov’ pour lequel le rapport propose de se rapprocher de la gratuité, comme la refonte de MaPrimeRénov’ doivent contribuer à doper ces chantiers.

L’État doit se montrer encore plus généreux

Mais les écueils demeurent, en particulier le financement des ménages. Certes, les dépenses dédiées à la rénovation énergétique ne cessent d’augmenter : 17,44 milliards d’euros en 2021, 19,8 en 2022 et 21,2 en 2023. Là aussi, on est loin du compte : « les ressources financières mobilisées sont très en deçà des besoins ».

Le reste à charge demeure souvent dissuasif pour les propriétaires. Dans le PLF 2024, l’État remet déjà la main à la poche, avec une hausse de 66% pour MaPrimeRénov’. Ce n’est pas suffisant, il faut en faire davantage encore : la mission d’information recommande ainsi « de porter le montant des crédits budgétaires alloués à MaPrime Rénov’ à 4,5 milliards d’euros à compter de 2024 et d’abonder les subventions des bailleurs sociaux de 1,5 milliard d’euros ». Et à horizon 2030, de porter les crédits accordés à la rénovation énergétique à 14 milliards d’euros dans les dépenses annuelles de l’État.

Des aides plus généreuses doivent ainsi encourager la rénovation globale, et pour le reste à charge, les deux rapporteures proposent de mobiliser davantage les prêts aidés existants (Prêt avance mutation ou éco-PTZ) et même de se pencher sur la création d’une avance pour la rénovation énergétique des logements pour rendre cette rénovation la moins indolore possible pour les ménages.

Rapport d’information de la mission d’information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments.

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