Amiante : les eurodéputés adoptent une réglementation plus contraignante

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Le périple touche à sa fin. En révision depuis deux ans, la directive européenne sur la protection des travailleurs face à l’amiante a été adoptée ce mardi 3 octobre à une très large majorité. Elle doit encore être approuvée par le Conseil en octobre, mais on sait déjà qu’elle renforce la lutte contre l’amiante, en particulier dans le grand chantier de la rénovation énergétique.

Non, l’amiante n’appartient pas au passé. Même si son utilisation et son importation sont interdites depuis 2005 en Europe (1997 en France), ses fibres toxiques continuent à tuer massivement. Plus de 70.000 personnes chaque année au sein de l’Union européenne, on parle de « une pandémie silencieuse et à retardement ». L’amiante est de loin, de très loin, la première cause de cancer professionnel : presque huit cancers professionnels sur dix sont liés à une exposition à l’amiante en Europe. Et les millions de tonnes toujours présentes dans le bâtiment, en France comme dans les autres États membres, n’ont pas fini de faire des victimes.

La directive adoptée mardi par les eurodéputés renforce donc la protection des travailleurs. Cela passe par davantage de formation à l’égard des travailleurs susceptible d’intervenir sur des matériaux amiantés, cela passe aussi par des méthodes analytiques plus poussées grâce à la microscopie électronique. Puisque l’amiante est un toxique sans seuil, la VLEP (Valeur limite d’exposition professionnelle) sera donc réduite en Europe.

Des seuils d’exposition réduits en deux temps

Les eurodéputés prévoient une baisse en deux temps. Première étape, cette limite sera réduite de 0,1 à 0,01 fibres d’amiante par centimètre cube (cm³), « sans période de transition ». Deuxième étape, plus ambitieuse, les États membres devront se convertir à « une technologie plus moderne et plus précise afin de détecter les fibres, à savoir la microscopie électronique ». « Après une période de transition maximale de six ans », les États membres pourront réduire la VLEP à 0,002 fibres d’amiante par cm³ hors fibres fines, ou à 0,01 fibre d’amiante par cm³ en incluant les fibres fines.

Pour mieux protéger les travailleurs, l’arsenal est considérablement renforcé avec des mesures imposant des équipements de protection individuelle et de protection respiratoire, des procédures de décontamination, mais aussi un repérage amiante avant-travaux réalisé par des opérateurs certifiés. Toute une batterie de mesures destinées à éviter une explosion des expositions avec la rénovation des bâtiments. « Au vu de l’augmentation à venir des rénovations thermiques des bâtiments, il est impératif de soutenir la recherche et le développement pour garantir la meilleure protection possible aux travailleurs et à la population locale exposés à l’amiante pendant les travaux de démolition et de rénovation. »

Une directive presque indolore pour la France

Du côté de la France, l’impact de la directive sera toutefois bien moindre qu’ailleurs en Europe. Ici, la révolution s’est déjà produite. Depuis 2012, la microscopie électronique est obligatoirement utilisée pour mesurer l’empoussièrement ; depuis 2015, la VLEP est abaissée à 10 fibres par litre (0,01 f par cm3) sur une durée de huit heures de travail, et depuis 2019, l’avant-travaux est encadré pour les opérations menées dans les bâtiments. Depuis 20 ans, la réglementation n’a cessé de se durcir. Ajoutons des évolutions en matière de protection individuelle ou des exigences de formation pour les personnes susceptibles d’intervenir sur l’amiante, la France s’est déjà dotée d’un arsenal qui répond aux exigences européennes. Sa réglementation apparaît d’ailleurs comme l’une des plus dures en matière d’amiante.

Oui, la réglementation existe, mais elle n’est pas toujours appliquée. Les Dossiers techniques amiante des immeubles ne sont pas toujours réalisés ou mis à jour, les artisans du bâtiment qui interviennent sur des matériaux amiante sont loin d’être toujours formés en SS4 comme la réglementation l’exige, et beaucoup de repérages avant-travaux passent à la trappe, notamment sur les petits chantiers, ceux menés chez le particulier. Par méconnaissance ou par souci d’économie.

Car l’amiante coûte cher et promet souvent de gonfler la facture au point de menacer le chantier. De quoi inquiéter alors que la rénovation énergétique est appelée à une accélération. Jusqu’ici pourtant, cet amiante resté le grand oublié des politiques de rénovation. « Il est donc nécessaire de mettre en place des mesures d’accompagnement appropriées », selon la directive.

Les eurodéputés invitent les États membres à mener « des campagnes de sensibilisation du grand public sur les risques liés à l’exposition à l’amiante, en particulier dans le contexte de la rénovation ». Parce que le traitement de l’amiante est indissociable de la rénovation, elle propose de mobiliser des fonds dans le cadre des rénovations. « L’Union propose à cet égard d’importantes ressources financières, notamment au titre de la facilité pour la reprise et la résilience, destinées à être utilisées en soutien des mesures nationales pour le désamiantage dans le cadre de rénovations. » L’ambition est claire, rénover le parc immobilier européen tout en se débarrassant enfin de cet amiante.

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