Casse-tête. Comment concilier un marché immobilier en berne avec ses taux de crédit qui remontent en flèche, et des obligations de rénovation énergétique. Finance Conseil, réseau de courtage en financement, propose de revoir le taux d’usure pour lui donner une note plus verte. L’ambition est double, accorder un peu d’oxygène au marché immobilier et encourager l’indispensable transition énergétique.
Pas de crédit, pas de logement. Sophie Ho Thong, directrice des affaires juridiques, stratégie, communication et relations publiques chez Finance Conseil, rappelle un chiffre : « Huit Français sur dix ont recours au crédit pour acheter leur résidence principale ». La machine s’est grippée, le taux d’usure actuel, conjugué avec le seuil de 35% d’endettement grand maxi, prive de nombreux de ménages de l’accession à la propriété, malgré un profil stable et une situation solvable. Entre les primo-accédants ou les quadras-quinquas, pénalisés eux par un taux d’assurance forcément plus élevé qui ne permet plus d’entrer dans les clous.
La responsable de Finance Conseil estime ainsi les refus de prêts actuellement « autour de 30% » à cause du taux d’usure. Sophie Ho Thong invite donc à revoir cette méthode de calcul imaginée en 1935 et qui demeure une exception française avec son caractère pénal. Elle propose « un taux d’usure vert », un nouveau levier pour accompagner la transition énergétique, idée portée déjà auprès de plusieurs députés. Avec cette idée solidement ancrée « que la distribution du crédit soit aussi acteur de la transition énergétique ». Et quel meilleur moment pour rénover que lors de la mutation d’un bien ?
On vous prête, mais seulement si vous rénovez
« Jusqu’à présent, on analysait uniquement le profil client dans le cadre d’un crédit immobilier, mais on ne s’attachait pas aux qualités intrinsèques du bien. La valeur verte doit aussi entrer en compte car elle impacte la solvabilité du client. Aujourd’hui, la baisse des factures d’énergie en cas de rénovation n’est pas considérée dans le calcul de l’endettement. » Les temps changent. La directrice de la stratégie de Finance Conseil, le reconnaît, les banques s’adaptent et épluchent de plus en plus le DPE, et sans doute qu’elles réclameront bientôt aussi l’audit énergétique. « C’est quelque chose qui se met en place, mais nous n’en sommes qu’au début. »
Ce « taux d’usure vert », majoré d’un tiers (par exemple) par rapport au taux d’usure classique, serait conditionné par l’étiquette énergétique d’un bien. Sophie Ho Thong le destine au « financement de l’achat des biens dont le DPE est noté A, B ou C, ou des biens pour lesquels les travaux de rénovation énergétique sont inclus dans le plan de financement avec engagement des emprunteurs à les réaliser dans un délai de 18 mois ». Elle espère ainsi redonner une bouffée d’oxygène au marché de la transaction et aux ménages privés d’accès au crédit. « Aujourd’hui, nous voyons des personnes qui veulent bien acheter une passoire énergétique pour y faire des travaux, mais qui se voient refuser leur prêt.» Le taux d’usure vert viendrait ainsi desserrer un peu les conditions d’octroi de crédit.
D’une pierre deux coups, « cette proposition permet de créer un cercle vertueux en orientant le marché vers des biens à basse consommation, et en encourageant la rénovation dans les passoires énergétiques ». « Les établissements de crédit doivent donc être au cœur de la régulation des prix de l’immobilier et de la rénovation énergétique, mais un accompagnement de l’État par la création d’un taux d’usure vert majoré est plus que nécessaire pour être devenir une nation verte.”
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