Ancien diagnostiqueur immobilier, Guillaume Girard est aujourd’hui directeur commercial de Preventimmo (groupe Septeo-Proptech), leader dans la fourniture d’États des risques et pollutions et de documents d’urbanisme. Preventimmo produit chaque année un million d’ERP en France.
C’est une petite révolution en silence. Cet état des risques et pollutions (ERP), passage souvent obligatoire à la vente comme à la location, va prendre (beaucoup) plus de place à partir du 1er janvier 2023. Et peut-être même qu’il aura aussi son mot à dire dans la valeur d’un bien immobilier. Explications de Guillaume Girard, de Preventimmo.fr.
« Avec la loi Climat et résilience, on a surtout entendu parler de climat et de rénovation jusqu’à présent. La performance énergétique s’ajoute peu à peu aux qualités intrinsèques d’un bien immobilier et peut aussi avoir une influence sur sa valeur vénale.
On oublie souvent l’autre volet de la loi Climat, la résilience aux risques. Avec le décret d’application sorti début octobre, l’état des risques et pollutions sort de la confidentialité et arrivera nettement plus en amont qu’aujourd’hui. Dès l’annonce immobilière, une mention obligatoire va renvoyer sur le site georisques.gouv.fr, et dès la première visite, un état des risques de moins de six mois devra être transmis aux éventuels acquéreurs et locataires. À mon sens, il aurait été préférable d’imposer la réalisation de l’état des risques dès la mise en vente, comme le DPE, puisque le site Géorisques n’est pas forcément mis à jour et qu’il peut exister de fait un décalage ensuite avec l’état des risques.
Enfin visible !
L’état des risques devrait donc bénéficier d’une visibilité accrue dès 2023. Quinze ans après sa naissance, on va enfin le montrer au grand public car il faut bien reconnaître que le document restait négligé jusqu’à présent : le propriétaire, l’acquéreur, le locataire ou même les professionnels de l’immobilier lui prêtaient une attention fort limitée.
Mis en avant, on peut imaginer qu’il va donc participer au processus de la décision et même avoir un impact sur la valeur vénale. Si l’on prend une zone soumise à un PPR (Plan de prévention des risques) –et il y en a de plus en plus en France-, les prescriptions de travaux -pas toujours respectées- peuvent monter jusqu’à 10% de la valeur vénale !
Je prends un exemple, dans le Gard où on trouve de nombreux biens construits sur des parcelles en bordure de canaux d’irrigation. Comme ceux-ci ont souvent été bétonnés et sont sujets à des débordements en cas de fortes pluies, le plan de prévention des risques demande aux riverains d’aménager une zone refuge dans leur habitat, un espace de 3 mètres sur 3 minimum, situé à 2,5 mètres de hauteur. Si le bâtiment ne compte pas d’étage, l’aménagement d’une telle zone peut coûter 25.000 euros. Forcément, la valeur vénale n’est peut-être plus tout à fait la même lorsqu’il faut aménager une zone de survie.
On comprend mieux dès lors l’influence de l’état des risques. Car dans le Gard comme ailleurs, ces prescriptions de travaux sont loin d’être appliquées. En règle générale, les mairies ne vont pas embêter les propriétaires occupants, mais la mutation d’un bien est justement l’opportunité pour s’assurer que les travaux sont bien réalisés. En fait, la volonté est la même avec l’état des risques que pour l’assainissement non collectif, la mutation doit être l’opportunité de mettre l’immeuble à niveau. L’état des risques va donc permettre d’affiner le prix d’un bien, mais aussi sécuriser la transaction en protégeant les différents acteurs.
Pression jurisprudentielle
Cette transparence dans la transaction est nécessaire car on sent bien qu’avec le réchauffement climatique, l’état des risques gagne en considération. La jurisprudence actuelle est en train de pousser avec des montants toujours plus importants en cas d’ERP erroné ou même incomplet. Si on parle en langage assurantiel, nous sommes encore sur des sinistres avec peu de fréquence, mais avec une intensité forte : je rappelle qu’un ERP absent ou entaché d’erreur peut casser une vente.
Le décret publié en octobre exige donc des mises à jour de l’état des risques à chaque étape de la vente, au compromis et à la signature de l’acte authentique. Le document conserve bien six mois de validité, pour le moment, mais il faut l’actualiser, s’assurer par exemple qu’un arrêté de catastrophe naturelle n’est paru, que le plan de prévention des risques est bien à jour.
C’est bien une difficulté de cet exercice car on se rend compte que les outils proposé par l’État comme l’Errial ou Géorisques ne sont pas forcément à jour. Pour se faire une petite idée, chez Preventimmo.fr, nous procédons quotidiennement à 90 mises à jour rien que pour les PPR. Même si la loi n’impose pas le recours à un professionnel pour éditer cet état des risques, cela devient donc de plus en plus compliqué pour un profane. De plus en plus risqué aussi, au regard des enjeux. »
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