C’est une journée qu’on aimerait voire disparaître dans le calendrier. Initiée en 2021, la journée contre la précarité énergétique, ce 24 novembre, revêt une certaine singularité pour sa deuxième édition. Car la crise énergétique laisse craindre une inflation, quasi mécanique, de la précarité dans les mois et les années à venir.
Douze millions de personnes en situation de précarité énergétique. On parle des foyers qui consacrent plus de 8% de leurs revenus juste pour se chauffer, qui malgré tout, déclarent avoir froid et qui appartiennent aux 30% des ménages les plus modestes. Le chiffre de la précarité énergétique n’a pas bougé depuis dix ans. La crise énergétique est passée par là, du côté des associations mobilisées pour cette journée, on s’attend, forcément, à une sérieuse inflation dans les prochains mois.
Pour le moment pas de donnée statistique, la prochaine enquête nationale sur le logement est annoncée pour 2023, mais à partir des chiffres de 2021. Hélène Denise, chargée de plaidoyer et mobilisation à la fondation Abbé Pierre, relève quelques indicateurs plutôt inquiétants qui suggèrent une progression de la précarité énergétique. “Selon le Médiateur de l’énergie, le nombre de personnes qui déclarent avoir froid chez elles est passé de 14 à 22% entre 2020 et 2022.” Autre signal d’alerte, le nombre de coupures pour impayés qui connaît une sérieuse hausse (+21%) en 2021. Autant d’indicateurs qui n’invitent pas vraiment à l’optimisme.
Bombe à retardement
Protégée par son fameux bouclier tarifaire, la France semble relativement épargnée. On est loin, très loin, de la situation outre-Manche où deux tiers des ménages risquent de se retrouver en situation de précarité énergétique dès 2023 selon l’université de York. “En France, nous avons réussi à limiter les dégâts, même si les copropriétés sont déjà touchées“, rappelle Hélène Denise. Mais la situation risque pourtant de se dégrader aussi. “Les hausses de +15% sur le gaz et l’électricité, annoncées pour début 2023, nous inquiètent. Même si elles sont contenues par rapport à ce qu’on peut observer ailleurs, elles peuvent faire basculer beaucoup de personnes dans la précarité. 15% c’est parfois impossible à soutenir lorsqu’on vit avec un Smic, et que l’on a déjà du mal à s’en sortir.” L’inquiétude est d’autant plus grande sur le moyen terme, avec les incertitudes qui pèsent sur ce bouclier tarifaire aujourd’hui protecteur mais difficilement soutenable dans la durée pour les finances publiques.
Du côté de la Fondation Abbé Pierre, on s’attend à voir des catégories jusque-là épargnées, tomber à leur tour dans la précarité énergétique. “Toutes les personnes qui n’auront pas les moyens d’absorber la hausse des tarifs de l’énergie.” Les étudiants, déjà parmi les premiers concernés, les demandeurs d’emploi, les personnes âgées qui vivent en copropriétés, les petites retraites, les familles monoparentales… la liste risque encore de s’allonger.
Du côté des associations organisatrices de cette journée, on a forcément quelques solutions en tête. Dans l’urgence, Hélène Denise évoque des aides plus ciblées vers les personnes les plus en difficultés. “Nous souhaitons que le montant du chèque énergie soit revu à la hausse, car les 150 euros aujourd’hui en moyenne par an paraissent insuffisants. Nous plaidons pour que ce montant soit au moins triplé et que ce chèque soit élargi aux 30% des ménages les plus modestes.“
Mobilisation générale
Les solutions ne sont pas nouvelles, elles étaient déjà réclamées parfois depuis plusieurs années. Mais la crise énergétique leur donne un caractère d’urgence absolue. Augmenter les aides, mais aussi inscrire dans la loi un service minimum de fourniture d’électricité pour éviter les coupures : “On ne parle même pas de chauffage, poursuit Hélène Denise, mais juste d’avoir une puissance suffisante pour s’éclairer, pour conserver le frigo allumé.”
Cette journée doit aussi être l’opportunité de plaider en faveur d’une rénovation énergétique efficace, une rénovation davantage aidée, en termes de financement et d’accompagnement, seule solution durable qui puisse réellement endiguer la précarité énergétique. La crise énergétique aura au moins permis de mettre tout le monde d’accord.
Cette deuxième édition montre d’ailleurs une mobilisation plus large qu’en 2021; une forme de “convergence”, relève Hélène Denise. Parmi les 23 organisateurs, on retrouve naturellement ceux qui étaient présents déjà l’an passé, mais également de nouveaux partenaires. L’engagement dépasse désormais le seul monde associatif avec des partenaires institutionnels davantage investis, comme l’Agence nationale de l’habitat avec son réseau FranceRénov’, ou même des collectivités. Une forme d’union sacrée, face à la montée de la précarité énergétique qui paraît malheureusement inéluctable.
La journée contre la précarité énergétique, jeudi 24 novembre.
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