DPE, la perpétuelle fiabilisation

Par Thierry Marchand, ingénieur en génie civil bâtiment, dirigeant du cabinet Cedi2M Expertises, et administrateur de la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim.

La contradiction est toujours plus vivace qu’un réel consensus. Le DPE au logement n’y échappe pas. Depuis la loi Climat et résilience de 2021, le diagnostic se trouve dans la tourmente. Un dispositif qui précise la performance énergétique d’un bien immobilier peut tantôt être un atout, tantôt un désastre selon la vision de chacun.

Finalement, la fiabilisation du DPE est en marche depuis sa genèse en 2006. Originellement outil de sensibilisation et d’information, dès les premiers jours de son existence, le diagnostic a été mis en demeure de mesurer avec précision la performance du logement. Un décalage est né entre les attentes du public et la règlementation de l’époque qui ne voulait pas d’un diagnostic trop contraignant, trop pesant (et aussi trop cher!) pour les propriétaires vendeurs ou bailleurs. Dès l’origine, le diagnostic a donc été perçu sur la place publique comme inepte et évidement non fiable.

Nous avons vécu avec une totale absence de confiance du DPE, sans aucune forme de régulation, voire de contrainte de la part du législateur. Au fils des années, les diverses politiques publiques finançant allègrement la rénovation énergétique sans aucun garde-fou, ont cependant imposé l’idée d’un autre outil de mesure ; un outil capable de renseigner la performance de nos logements, d’émettre un avis, non pas de valeur, mais un avis de classe de performance en y intégrant le volet indispensable des émissions de gaz à effet de serre. Le rôle du DPE a changé : il est devenu un outil de mesure de la performance des politiques publique de la rénovation et de la performance de nos bâtiments.

La lutte contre de dérèglement climatique occupant toujours plus d’espace, le DPE a pris, malgré lui, davantage de pouvoir encore. A lui de dire et de démontrer que tel ou tel logement contribue, par une absence de réhabilitation ou d’adaptation de son propriétaire négligeant ou désargenté, à accroître l’impact des émissions de gaz à effet de serre. A lui de distinguer les propriétaires pollueurs.

La fiabilité du DPE n’est pas que l’affaire du diagnostiqueur

Contrairement à une idée trop souvent reçue, l’évolution du DPE s’accompagne d’une montée en compétence des diagnostiqueurs. Notre profession est aujourd’hui soumise à des contraintes abyssales : formations initiales et continues obligatoires, examens en vue d’obtenir une certification « véritable sésame » pour exercer, contrôles réguliers des rapports, contrôles réguliers sur le terrain par un auditeur, logiciels validés par les pouvoirs publics, transmission obligatoire des rapports à l’Ademe avec un contrôle de cohérence des données saisies, etc. Toutes ces contraintes, certes, apparaissent bien lourdes, mais elles sont nécessaires au regard des enjeux liés au classement énergétique d’un logement à la fois pour les propriétaires et pour l’environnement.

Prétendre aujourd’hui que le DPE n’est pas fiable, c’est surtout dire que le DPE est gênant, ridicule voir dangereux. Effectivement, le diagnostic peut être gênant pour tous ceux qui réduisent encore la performance énergétique à une vulgaire notion de confort et de bien-être. Mais cette position est devenue archaïque et même inconsciente au regard des enjeux nécessaires de la rénovation de nos logements. Qu’on le veuille ou non, le DPE est devenu un outil de mesure indispensable, qui peut et doit toujours s’adapter au fils du temps.

Une récente décision judiciaire met en avant des pratiques frauduleuses autour du DPE, entre amis : vendeur, agent immobilier et diagnostiqueur. La rigueur du diagnostiqueur est évidement essentielle, la profession doit montrer l’exemple prenant soin de rappeler, encore et toujours, son indépendance et son impartialité garanties par les textes. Mais n’oublions pas, c’est tout le « l’écosystème du logement et du diagnostic immobilier » qui doit répondre à cette exigence de rigueur. Les services de l’État, les organismes de formation, les organismes de certification, les professionnels de la transaction immobilière, mais surtout le principal intéressé, le propriétaire.

Le diagnostiqueur n’est que le dernier maillon dans un processus complexe. Sans le dédouaner de son immense responsabilité, il ne peut être le seul garant d’un DPE fiable. Lorsque l’on évoque la fiabilité du diagnostic, donc la confiance portée dans ce dispositif, nous ne devons pas limiter l’examen critique au seul diagnostiqueur, tout l’écosystème doit répondre à cette exigence de confiance.

Je suis persuadé que dans quelques années, la question de la fiabilité du DPE ne se posera plus, comme la ceinture de sécurité rendue obligatoire dans les années 1970, et qui 50 ans plus tard, ne souffre plus d’aucune contestation. On a oublié, mais elle a pourtant eu bien du mal à entrer dans les mœurs des Français. Ce DPE indispensable pour nos logements et tous les bâtiments, -aussi une ceinture de sécurité en soi-, sera intégré naturellement dans le descriptif technique du bien et personne ne songera à le contester.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », disait Jacques Chirac à Johannesburg au sommet de la Terre en 2002. Pour nos logements, le DPE permet justement d’éviter de regarder ailleurs.

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