Deux DPE réalisés par le même cabinet de diagnostic, mais à quelques semaines d’intervalles. D’un diagnostic à l’autre, la classe énergétique reste la même, seule l’épaisseur d’isolation dans les combles est différente. Qu’importe que l’erreur ait été rectifiée dans son second DPE annexé à l’acte de vente, le diagnostiqueur écope d’une lourde condamnation.
Le premier DPE avait été réalisé en mars 2015. Il classait la maison en D avec une consommation énergétique estimée à 193 kWhEp/m²/an pour une facture annuelle de l’ordre de 1.046 euros. Souci, dans son rapport, le diagnostiqueur a renseigné 20 cm d’isolant, se fiant aux déclarations des vendeurs, “sans prendre de mesures de l’épaisseur de l’isolant”.
Entre la promesse de vente et l’acte authentique, les futurs acquéreurs se rendent à nouveau sur place pour effectuer des devis de travaux. Bizarre, c’est l’été, et la chaleur dans les combles soi-disant isolés leur semble excessive. Un nouveau diagnostic est donc réalisé en juillet 2015. Nous sommes toujours sur une classe D, mais avec une consommation légèrement supérieure cette fois: 212 kWhEp/m²/an et une facture désormais estimée à 1.183 euros. En fait, la différence provient d’une isolation mesurée à 7,5 cm sous la couverture des combles.
Ce nouveau DPE lui-aussi daté de mars, est transmis au notaire pour la signature de l’acte authentique qui mentionne “les données issues du diagnostic corrigé, en précisant qu’il se substitue au précédent dont il mentionne également les données”. Les acquéreurs ont donc bel et bien été avertis. Il n’empêche, évoquant différents vices cachés, ils poursuivent les vendeurs et le diagnostiqueur.
L’isolation est aussi synonyme de perte de surface habitable
Erreur réparée, mais erreur tout de même. La cour d’appel estime en effet que le diagnostiqueur “a commis un manquement à son obligation d’information qui a fait perdre aux acquéreurs une chance de négocier le prix de vente, s’ils avaient eu connaissance du second diagnostic avant la signature du compromis”. Que le DPE ait été corrigé peu avant de signer l’acte de vente n’y change pas grand-chose. “La correction portée au dernier moment dans l’acte authentique, n’a, en effet, pas permis aux acquéreurs d’être éclairés en temps utiles pour demander, au besoin, une nouvelle notification d’un compromis ouvrant un nouveau droit de rétractation.”
Le préjudice subi correspond donc à la perte de chance de négocier une réduction du prix de vente. Le coût des travaux de renforcement de l’isolation est estimé à 26.100 euros HT, mais les acquéreurs invoquent aussi une perte de surface habitable: après tout, l’isolation devrait les priver de 15 m². L’argument est retenu, la cour d’appel estime que les acquéreurs pouvaient espérer une baisse de prix de l’ordre de 40.000 euros !
Mais puisque “l’erreur de diagnostic n’a pas modifié la classification globale de l’immeuble qui reste en D et que la variation des consommations énergétiques globales entre les deux diagnostics est peu significative”, la cour d’appel ramène la perte de chance à 50%. Le diagnostiqueur est donc condamné à indemniser les acquéreurs à hauteur de 20.000 euros.
Le diagnostiqueur est prévenu, la moindre erreur se paye cash. Le jugement peut sembler sévère, et pourtant… En première instance, la condamnation était encore plus lourde: le diagnostiqueur et les vendeurs, alors considérés comme professionnels de l’immobilier, avaient été condamnés solidairement à verser plus de 60.000 euros. Cette fois, la cour d’appel a rejeté le caractère professionnel du vendeur, le diagnostiqueur est seul condamné.
Cour d’appel de Pau, 13 septembre 2022, n° 19-01470.
Encore un confrère mal défendu … l’acquéreur avait 10 jours pour changer d’avis lors de la remise du nouveau DPE. Il y a comme dans n’importe quel métier, y compris le nôtre, des bons avocats (spécialisés) et des moins bons. J’ai accompagné une fois au tribunal mon épouse pour une affaire de PV de stationnement que nous n’avions pas voulu régler (et pour cause … absence de panneau au bout du mat), en écoutant les plaidoiries de ceux qui sont passés avant nous je peux vous dire que ce n’est pas parce qu’on porte la robe qu’on la mérite !!!