La rénovation du parc ancien ne se résume pas à une question d’isolation et de pompe à chaleur. Dans son rapport annuel dévoilé mardi, la Cour des comptes plaide pour une approche plus ambitieuse afin d’adapter réellement nos logements au changement climatique. La rénovation ne peut être seulement énergétique, elle doit aussi prendre en considération la vulnérabilité des bâtiments face à des aléas climatiques de plus en plus fréquents et intenses.
L’efficacité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre tournent à l’obsession. Avec, en point de mire, cette sacro-sainte neutralité carbone dès 2050. Très bien. Mais à concentrer son regard sur un point précis, on ne voit pas tout.
Pour la Cour des comptes, « la rénovation énergétique du parc résidentiel, qui a pour objectif principal de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les consommations énergétiques des logements, n’a pas favorisé une prise de conscience globale des enjeux spécifiques à l’adaptation ». En clair, on aura beau ajouter des centimètres d’isolant à nos logements, privilégier un mode de chauffage ultra-performant et totalement décarboné, la rénovation énergétique ne suffira pas à faire face aux changements climatiques.
Les argiles et les inondations négligées
Dans la loi Climat et résilience, il y avait aussi « résilience », on aurait tendance à l’oublier. La Cour des comptes pointe du doigt trois risques qui restent à ses yeux mal négligés: les pics de chaleur récurrents, l’aggravation des phénomènes de RGA (retraits-gonflements d’argile) et les inondations à répétition.
Malheureusement, « les mesures propres à l’adaptation des logements restent (…) rares », relève l’institution de la rue Cambon. Des mesures de prévention existent désormais pour prévenir le phénomène RGA, avec une étude des sols, mais depuis 2020 et uniquement pour le neuf. « Les règles d’urbanisme et de construction pour des bâtiments résilients se sont certes multipliées et précisées, mais concernent principalement les logements neufs, qui constituent un apport limité à 1 % par an du parc. » De même, le confort d’été pour faire face aux canicules à répétition, n’est réellement pris en considération que depuis la RE2020 et -de façon sommaire- dans le DPE depuis 2021.
Il faut donc corriger le tir, et adopter une vision plus large. « La priorité a jusqu’à présent été donnée à la rénovation énergétique des logements, qui ne permet que subsidiairement de les adapter au réchauffement climatique, estime la Cour des comptes. Il convient désormais d’appréhender l’ensemble des risques liés au changement climatique, dans le cadre d’une politique associant étroitement l’État et les collectivités territoriales. »
Il y a beaucoup à faire. Car si les études se sont démultipliées sur la rénovation énergétique, la littérature sur une approche globale face au changement climatique reste peu fournie. Même pas une petite idée de ce que cela pourrait coûter. « Aucune étude prospective n’a été menée sur le coût global de l’adaptation des logements au changement climatique, ni sur la répartition des charges afférentes entre l’État, les collectivités locales, les entreprises et les ménages. »
Rénover ou reconstruire?
Est-ce qu’il va falloir revoir la copie et envisager encore plus de travaux pour adapter le logement au changement climatique ? Pas forcément. « La réalisation de travaux d’adaptation du parc existant ne représente pas la solution unique, voire la plus adéquate », estime la Cour des comptes. On le sait, avec les techniques actuelles, la mise en œuvre de travaux de prévention pour les sinistres RGA peut s’avérer par exemple aussi coûteuse (et parfois plus coûteuse) qu’une intervention après sinistre. L’investissement dans la recherche en techniques d’adaptation du bâti doit donc devenir « une priorité ».
Pragmatique, la Cour des comptes entrevoit un éventail de solutions bien plus large qui irait « de la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation sur la modification, essentielle, des usages, a priori peu coûteuses » à la « transformation radicale du parc bâti, actant le fait que certains logements deviennent de facto impropres à leur usage ». En clair, pour certains bien, rien ne sert de rénover, il devient préférable de démolir et reconstruire ailleurs.
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