Frédéric Mirabel-Chambaud, le président des Diagnostiqueurs indépendants, revient sur le flop du nouveau DPE. Lui, qui dès juin avait alerté sur l’impréparation de la réforme, nourrit forcément quelques regrets. A ses yeux, la réforme du DPE semble avoir dérivé, avec un diagnostic parfois réduit à une histoire d’algorithmes où on en oublierait presque l’essentiel…
« En juin, nous avons attaqué le ministère devant le Conseil d’État parce qu’il nous semblait incroyable de bâcler trois ans de réforme en mettant en place une méthode de calcul et des logiciels qui ne tenaient pas la route. Nous n’avons malheureusement pas été écoutés et nous avons même essuyé des critiques. Si notre recours avait abouti, nous n’en serions pas là.
Nous pouvons effectivement regretter que le nouveau DPE n’ait pas été reporté au 1er janvier 2022 comme nous le souhaitions. Encore aujourd’hui, alors que la méthode de calcul vient d’être corrigée, et qu’un nouvel arrêté modificatif est paru, cette échéance conserve toute sa pertinence car de nombreux problèmes restent à résoudre. Si j’écoute les éditeurs de logiciels, des bugs existent toujours, et de nouveaux sont encore découverts chaque semaine lors de nos réunions hebdomadaires avec la DHUP (Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages). On est loin d’en avoir fini ! Et je ne parle que du logement, car les cas tests à l’immeuble, annoncés pourtant pour septembre, ne sont toujours pas disponibles à mi-octobre.
Cette crise illustre une dérive du DPE aujourd’hui réduit à un algorithme. Ce qui devait être un simple toilettage de la méthode calcul au début de la réforme lancée voilà trois ans est devenu une refonte totale, un chantier mal maîtrisé malheureusement. Nous sommes aujourd’hui sur des calculs hyper compliqués et purement théoriques, on a voulu transformer ce diagnostic en étude thermique avec une précision à la virgule. Avions-nous besoin d’une telle précision ?
On se trompe de sujet selon moi. Peu à peu, on a dévoyé l’intérêt du DPE. Le DPE n’est pas une boule de cristal dans laquelle doivent apparaître les consommations exactes du logement, il reste une estimation d’une certaine précision, mais théorique. Comme pour les voitures pour lesquelles les constructeurs renseignent des consommations dont on sait très bien qu’elles sont purement indicatives mais permettent de comparaisons. Dans cet esprit, nous avions d’ailleurs demandé au ministère d’autoriser une marge d’erreur de 5%, comme pour les mesurages Boutin et Carrez.
Le DPE n’est pas une simple lettre sur laquelle tout le monde se focalise aujourd’hui. On oublie que la vocation première du diagnostic est d’inciter et de conseiller, en toute indépendance commerciale, les propriétaires à réaliser des travaux, dans un moment clé de la vie de leur logement (vente ou location). L’objectif, c’est de faire réaliser des économies à la France et aux Français. Dans cet esprit, Les Diagnostiqueurs indépendants (LDI) se sont d’ailleurs engagés dans la charte FAIRE en 2021. Nous avions également suggéré d’ajouter un QR code à la fin du DPE pour permettre au particulier d’entrer en contact avec un conseiller FAIRE afin de connaître par exemple les aides disponibles pour son logement. Le DPE peut aussi promouvoir des solutions pratiques pour le client.
Malheureusement, au fil de la réforme, avec le calendrier d’interdiction des passoires énergétiques qui se précisait, les pouvoirs publics ont privilégié un DPE affiné à l’extrême, un DPE qui soit irréprochable. On a complexifié le diagnostic pour rechercher une précision absolue, mais on a peut-être oublié sa finalité en cours de route. Nous ne parlons pas assez des recommandations. Le but est pourtant d’amener les propriétaires vers la rénovation de leur logement afin de leur faire réaliser des économies. C’est le fondement de notre boulot, nous ne sommes pas là pour distribuer des bonnes ou mauvaises lettres, mais pour conseiller comme nous l’observons de plus en plus depuis plusieurs années. »
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