Passoires thermiques : comment sortir de l’impasse des interdictions de location

habitat insalubre

Si la loi est appliquée à la lettre, plusieurs centaines de milliers de logements ne pourront plus être loués dans à peine plus d’un an. En pleine crise immobilière, avec un marché du locatif sous haute tension, ce n’est pas envisageable. Revoir le calendrier? Ce serait du plus mauvais effet, pas possible non plus face à l’urgence climatique. Un casse-tête, une impasse, pour lequel le gouvernement réfléchit à des issues.

On ne touche pas au calendrier. Le gouvernement reste inflexible, et quand un ministre, à l’instar de Bruno Le Maire laisse entendre une divergence, il est aussitôt prié de rentrer dans le rang. L’interdiction de louer une passoire thermique avec un DPE en G arrivera donc bien au 1er janvier 2025 comme il a été écrit dans la loi Climat et résilience, comme ne manque jamais de rappeler le ministre du Logement, Patrice Vergriete ou avant lui, Olivier Klein.

Touche pas au calendrier

Côté gouvernement, on a conscience que cette interdiction ajoute de l’huile sur le feu dans un marché locatif hyper tendu. Il est désormais totalement illusoire de penser que les quelque 600.000 logements étiquetés en G seront rénovés à temps. Pour le moment, le gouvernement s’accroche à cette idée que grâce à des menus travaux, pas forcément coûteux et simples à mettre en œuvre en apparence, on puisse repêcher les logements étiquetés G. « L’urgence aujourd’hui est de passer de G à F », explique le ministre du Logement, Patrice Vergriete dans un entretien au Monde.

Une petite lettre gagnée, c’est trois ans de sursis, c’est du temps supplémentaire pour déployer les dispositifs de rénovation aujourd’hui balbutiants (Plan pluriannuel de travaux, Mon Accompagnateur Rénov’…). « Nous allons aussi faire évoluer et simplifier les aides pour 2024. Il reste un an et trois mois pour rénover les G, cela me semble jouable. Arrêtons de prêcher le renoncement », poursuit le ministre du Logement. D’autres mesures sont également à l’étude comme les règles de vote en copropriété pour fluidifier la rénovation, mais à l’évidence, le temps manque pour enclencher la dynamique de rénovation et sauver les centaines de milliers de logements menacés d’interdiction de location dès 2025.

« Dérogations ciblées et pragmatiques »

Le sujet est devenu éminemment politique, les prises de parole se multiplient au sein du gouvernement. Pas de panique, on va trouver une solution. Interrogée sur BFM Business vendredi, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher évoquait des « dérogations ciblées et pragmatiques » pour les propriétaires « de bonne foi ». Lesquelles ? La ministre n’en dit pas davantage, le travail est en cours.

Forcément, on pense aux dispositions inscrites dans la loi Climat et résilience qui permettraient à un copropriétaire de continuer à louer son logement, lorsqu’il est favorable aux travaux, mais que l’assemblée générale s’y oppose. « Si vous êtes dans un logement collectif, on comprend bien. Ce n’est pas si facile d’obtenir une autorisation d’un AG de copro donc on peut obtenir des dérogations », poursuit la ministre.

Les solutions émergent aussi dans la société civile. Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim, propose une grosse baisse de loyer pour les propriétaires bailleurs de passoires thermiques. L’intérêt est double: on évite de sortir brutalement des centaines de milliers de logements du parc locatif, sans obérer, totalement, la capacité financière des bailleurs à réaliser des travaux.

Côté Fnaim, aussi, on martèle aussi différentes propositions depuis des mois comme la suspension de l’indécence énergétique en copropriété lorsqu’un plan pluriannuel de travaux a été réalisé, ou l’opposabilité du DPE collectif pour qu’au sein d’une copro chacun ait le même intérêt à rénover.

« Changeons le DPE »

Une autre solution pourrait consister à changer le thermomètre qui donne trop de passoires énergétiques. Après tout, le DPE et sa méthode de calcul ont cette fâcheuse tendance à pénaliser les logements de petite taille ou construits avant 1948.

Au micro de Sud Radio, ce lundi, Bruno Le Maire plaidait une modification du DPE. « Changeons le diagnostic de performance énergétique puisque visiblement, ce n’est pas le bon indicateur. » Le ministre de l’Économie veut « tenir compte des biais » et adapter le diagnostic « aux modalités de chauffage » et à « la taille des surfaces ».

Apparemment, Bruno Le Maire s’exprimait -encore- à titre personnel. Car aussitôt contacté par Le Figaro, le ministère du Logement ne semble pas enclin à lancer une nouvelle réforme du diagnostic. Le DPE est d’ores et déjà jugé « fiable », même s’il reste « améliorable ». Les compétences du diagnostiqueur seront d’ailleurs renforcées courant 2024, pas d’autre réforme envisagée a priori.

La sémantique a son importance. Pas de réforme, mais peut-être des aménagements puisque le DPE reste « améliorable »; pas de report de calendrier mais des « dérogations». L’enjeu est bien là : comment desserrer l’étau autour des propriétaires bailleurs, sans donner l’impression de reculer sur cette transition énergétique devenue une priorité du gouvernement. À ne vouloir mécontenter personne, on risque l’immobilisme: cela reviendrait à laisser le calendrier tel quel tout en sachant pertinemment qu’il ne sera pas appliqué et que les passoires thermiques continueront à être louées.  

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