« La réglementation amiante doit être un modèle pour lutter contre tous les polluants…» avec Annie Thébaud-Mony

Annie Thébaud-Mony est directrice de l’unité Inserm Giscop93 (Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle) à l’université de Paris 13. Elle est responsable scientifique d’un programme de sociologie comparée de la production de connaissances en santé au travail. Elle préside l’association Henri Pézerat (santé, travail, environnement). En 2012, elle refuse la légion d’honneur, afin de dénoncer l’« indifférence » qui touche la santé au travail et l’impunité des « crimes industriels ». Dans une lettre adressée à la ministre du Logement de l’époque, Cécile Duflot, elle y dénonce le manque de financements de ce secteur de recherche. Elle est également porte-parole de Ban-Asbestos France.

Annie Thébaud-Mony retrace 40 ans de lutte contre l’amiante. Tout commence par une rencontre avec Henri Pézerat, docteur en physique et chercheur au CNRS dans les années 70. Ensemble, ils deviennent le fer de lance du combat pour la santé des travailleurs. Henri a été l’un des premiers chercheurs au monde à « mettre en évidence le mécanisme prouvant la toxicité de l’amiante et pouvant engendrer le cancer ».

Militants, mais scientifiques avant tout. « Nous n’avons pu être disqualifiés au vu de la solidité de nos recherches. » Dans les années 70, ils sont d’abord vus comme des soixante-huitards « avec la volonté de bouger les choses, de faire émerger la question de la justice dans les conditions de travail ».Dans les années 80, « avec l’usage contrôlé de l’amiante », Annie Thébaud-Mony évoque des années « absolument terribles » avec « une mystification des ouvriers sur les dangers de l’amiante et des polluants présents dans l’environnement professionnel ». « On a tout fait pour cesser ce crime industriel. »Au début des années 90, ils deviennent naturellement les principaux acteurs auprès des collectifs d’ouvriers, « genèse d’un mouvement très fort qui aboutit en 95-96 à un ensemble de processus et de procès… ».

Aujourd’hui, l’arrêt de la production et de la commercialisation de l’amiante apparaît à l’évidence comme un succès, mais la lutte en faveur de la prévention amiante a aussi connu des échecs comme « l’obligation de mettre au cadastre le diagnostic amiante » ou encore « le fonds européen pour financer le désamiantage par les producteurs de l’amiante »purement et simplement ignoré par les parlements français et européen. En colère face à cette indifférence politique, Annie Thébaud-Mony fait parler d’elle en 2012 en refusant la légion d’honneur. « J’ai refusé parce que franchement il ne faut pas exagérer. »

Aujourd’hui, elle continue à porter ce combat pour la prévention. « Les équipements de protection respiratoire ne sont malheureusement pas suffisamment étanches.»Mais depuis 30 ans, la sociologue a aussi élargi son combat à d’autres substances chimiques comme le glyphosate, car « la réglementation de l’amiante doit être un modèle pour lutter contre tous les polluants ». Elle n’accepte pas la résilience. « On ne doit plus accepter l’inacceptable. » La mort ouvrière ne doit plus être banalisée : « La santé des travailleurs est la sentinelle de la santé environnementale ».

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